Cologno Monzese (awp/afp) - Les actionnaires du groupe italien Mediaset ont validé vendredi les amendements apportés à son projet de holding européenne, malgré l'opposition de Vivendi avec qui il est en conflit depuis plus de trois ans.

"Le conseil d'administration de Mediaset met, une fois de plus, l'entreprise dans une situation de grave insécurité juridique", a réagi Vivendi dans un communiqué vendredi.

Mediaset, dont le premier actionnaire est la famille du magnat Silvio Berlusconi, veut fusionner ses activités italiennes, espagnoles et sa participation de 15,1% dans l'allemande ProSiebenSat.1, dans une holding de droit néerlandais baptisé MFE (Media For Europe).

L'objectif est, à terme, de fédérer les grands acteurs européens de la télévision afin de mieux lutter contre les plateformes numériques comme Netflix.

Mais Vivendi, deuxième actionnaire de Mediaset avec 28,8% du capital (mais dont quelque 20% sont gelés), conteste les statuts de MFE qu'il juge trop favorables à la famille Berlusconi et à sa holding Fininvest.

Lors d'une assemblée générale le 4 septembre, Vivendi n'était pas parvenu à faire pencher la balance avec ses 9,9% des droits de vote, même s'il avait été rejoint par 3,7% des actionnaires, et le projet MFE avait été validé.

Le groupe du milliardaire Vincent Bolloré avait ensuite contesté en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas les statuts de MFE, remportant en octobre une première victoire en obtenant la suspension du processus de fusion auprès du tribunal de commerce de Madrid.

Ce litige s'ajoutait à une série d'autres, les deux groupes s'affrontant devant les tribunaux depuis plus de trois ans, à la suite de la décision de Vivendi de revenir sur un accord prévoyant qu'il rachète le bouquet Mediaset Premium.

Après le revers essuyé en Espagne, Mediaset avait tenté de parvenir à un accord pour régler tous les différends avec Vivendi. Mais alors qu'un compromis semblait proche, les discussions ont été interrompues fin novembre.

Mediaset a, quoi qu'il en soit, accepté des propositions faites par une juge milanaise pour amender les statuts de MFE et a convoqué une nouvelle AG ce vendredi pour les faire valider.

Les modifications concernent notamment un article qui empêchait les actionnaires ayant un contentieux avec Mediaset (comme Vivendi) d'exercer leurs droits de vote. Le seuil d'OPA (Offre publique d'achat) a également été remonté de 25% à 30%.

"Plan abusif"

Ces modifications, qui devaient être approuvées à la majorité des deux tiers, l'ont été par 79,85% des votants (mais seulement 48,28% du capital), tandis que 19,72% s'y sont opposés, dont Vivendi, qui juge insuffisants les changements introduits.

La directrice juridique de Vivendi, Caroline Le Masne de Chermont, a dénoncé lors de l'AG "un plan abusif pour priver les actionnaires minoritaires de leurs droits".

En cause notamment, un système d'actions à vote spécial, qui permettra à Fininvest d'"approuver n'importe quelle opération extraordinaire", telle une fusion, a fustigé le groupe français.

Mediaset a jugé "infondées" ces accusations. Vivendi, avec toutes ses actions juridiques, essaie de "paralyser" la société, au détriment de tous les actionnaires, a affirmé son président Fedele Confalonieri.

Mme Le Masne de Chermont a aussi fustigé le nouveau refus du conseil d'administration de Mediaset de laisser Simon Fiduciaria participer à l'AG, "ce qui fausse le résultat de l'assemblée".

Simon est une société fiduciaire à qui Vivendi - également actionnaire de Telecom Italia - a dû transférer quelque 20% de ses droits de vote pour respecter la loi sur la pluralité des médias.

Le CA a argué que les actions de Simon Fiduciaria avaient été acquises en violation de cette loi et ne pouvaient donc pas donner lieu à un droit de vote.

Mais pour Vivendi, exclure Simon Fiduciaria est illégal. Le groupe français avait saisi en référé le 2 janvier le tribunal administratif de Rome pour demander l'annulation de la décision de l'Autorité des télécoms de l'obliger à geler 20% de ses actions Mediaset, mais la cour a rejeté jeudi sa demande.

Le groupe français avait obtenu un signal positif en décembre, quand l'avocat général près la Cour de justice européenne a jugé contraire au droit de l'Union européenne la loi italienne sur la pluralité des médias, l'estimant trop restrictive et disproportionnée par rapport à son objectif.

Son avis n'est pas contraignant, mais il est généralement suivi par la Cour qui doit se prononcer dans les prochains mois.

afp/rp