par Philip Blenkinsop

BRUXELLES, 10 février (Reuters) - Le président américain Donald Trump a annoncé son intention de mettre en oeuvre des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium et d'imposer cette semaine des droits dits réciproques à tous les pays.

Les États-Unis et l'Union européenne entretiennent les relations commerciales les plus importantes au monde, avec des échanges de biens et de services d'une valeur de 1.500 milliards d'euros (1.550 milliards de dollars) en 2023.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré la semaine dernière que l'Union européenne (UE) "réagirait fermement" si elle était prise pour cible de manière injuste ou arbitraire. Voici les mesures qu'elle pourrait adopter.

TAXES DOUANIÈRES DE RÉTORSION

En 2018, après que Donald Trump a imposé des droits de douane sur 6,4 milliards d'euros d'importations européennes d'acier et d'aluminium, l'UE a riposté en appliquant ses propres droits sur 2,8 milliards d'euros de produits américains.

Des taxes douanières sur 3,6 milliards d'euros d'importations américaines supplémentaires devaient entrer en vigueur trois ans plus tard, mais n'ont jamais été appliquées après l'élection de Joe Biden, qui a été suivie d'une trêve entre les deux parties.

Les droits de douane de l'UE visaient l'acier et l'aluminium américains, mais ciblaient aussi des marchandises venant d'États ayant voté pour Donald Trump, tels que le bourbon du Kentucky, les Harley Davidson du Wisconsin et le jus d'orange de Floride.

L'UE pourrait cette fois adopter une stratégie similaire de mesures de "rééquilibrage", bien que Washington ait davantage de produits à cibler que Bruxelles. Les importations de biens américains dans l'UE se sont élevées à 347 milliards d'euros en 2023, contre 503 milliards d'exportations, selon l'agence de statistiques de l'UE Eurostat.

LUTTE CONTRE LA COERCITION

L'instrument de lutte contre la coercition (ACI) de l'UE, entré en vigueur fin 2023, permet à l'Union de prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des pays tiers qui exercent une pression économique sur ses Etats membres afin qu'ils modifient leurs politiques, tout en offrant un champ d'action beaucoup plus large.

Outre l'imposition de droits de douane sur les marchandises, l'UE peut limiter l'accès des entreprises de pays tiers aux appels d'offres pour les marchés publics ou prendre des mesures affectant le commerce des services ou les investissements.

Si les États-Unis ont un déficit commercial avec l'UE en matière de marchandises, ils affichent un excédent dans les services, notamment dans ceux fournis par des entreprises telles qu'Amazon, Microsoft, Netflix ou Uber.

L'UE peut également restreindre la protection des droits de propriété intellectuelle, limiter l'accès des sociétés de services financiers aux marchés de l'UE et restreindre la capacité des entreprises à placer des produits chimiques et agroalimentaires dans les pays de l'Union.

L'ACI avait vu le jour en 2021 en réponse aux critiques des membres de l'UE selon lesquelles la première administration Trump et la Chine utilisaient le commerce comme un outil politique. Selon des responsables lituaniens, la Chine a ciblé leur pays après que celui-ci a permis à Taïwan d'établir une ambassade de facto à Vilnius.

La loi donne à la Commission jusqu'à quatre mois pour examiner les éventuels cas de coercition et proposer des mesures aux États membres de l'UE, qui disposent ensuite d'environ deux mois pour les approuver. La Commission peut suspendre toute mesure pendant six mois, le temps de trouver une solution diplomatique.

APPLE, GOOGLE, X ET META DANS LE VISEUR DE L'UE

Au-delà de la politique commerciale officielle, l'UE dispose de moyens pour freiner les activités des grandes entreprises technologiques américaines, dont nombre de dirigeants étaient aux premières loges lors de l'investiture de Donald Trump.

L'UE mène actuellement des enquêtes contre Apple, Alphabet, X et Meta en vertu du règlement sur les marchés numériques (DMA), qui impose des obligations concurrence, et de celui sur les services numériques (DSA), qui couvre la modération des contenus.

Il est également probable qu'elle ajoute Amazon à sa liste, a rapporté Reuters.

Le règlement DMA prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial ou 20% en cas de récidive. Pour le DSA, l'amende maximale est de 6% du chiffre d'affaires.

Mark Zuckerberg, le patron de Meta, a demandé à Donald Trump d'empêcher l'UE d'infliger des amendes aux entreprises technologiques américaines. Elon Musk, allié du président américain, s'est heurté à plusieurs reprises aux régulateurs européens.

Une autre solution consisterait à taxer les fournisseurs de services numériques. L'UE a suspendu ses travaux concernant la taxe sur les services numériques pour permettre à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de trouver une solution plus globale, en publiant en 2023 un projet de traité multilatéral qui doit encore être finalisé.

Un certain nombre de pays de l'UE, comme la France, appliquent des taxes sur les services numériques. Lors de son premier mandat, Donald Trump a réagi en imposant des droits de douane, qui ont ensuite été suspendus par Joe Biden. (Reportage de Philip Blenkinsop, avec Leigh Thomas à Paris, version française Benjamin Mallet, édité par Sophie Louet)