PARIS (awp/afp) - Pour combattre "la léthargie qui fait peur", le célèbre chef argentin Mauro Colagreco se tourne vers son verger où il cultive des ingrédients pour son restaurant, consacré "meilleur au monde" l'an dernier par le classement 50 Best.

Mirazur, trois étoiles au Michelin, restera fermé, comme tous les restaurants en France au moins jusqu'au 20 janvier. Depuis son fief de Menton, dans le sud de la France et au bord de la mer, il redoute que l'année 2021 puisse être fatale pour la gastronomie si la crise sanitaire perdure, mais il veut faire preuve d'optimisme.

Question: Entre les deux confinements, Mirazur a proposé un menu basé sur le rythme de la Lune. Comment a-t-il été reçu?

Réponse: C'est cette période qui nous sauve maintenant. Nous étions complets jusqu'à la dernière semaine avant le confinement. Pendant le couvre-feu, nous avons demandé aux clients de venir dîner à 18H00, heure norvégienne! Sur la Côte d'Azur, il y a beaucoup d'étrangers en résidence secondaire, qui passent un mois ou deux ici. Certains sont même venus quatre fois essayer les quatre menus (à base de fleurs, feuilles, racines et fruits, nldr). Bien sûr, il y avait des gens plus réticents, surtout le premier mois, car ils résistaient au discours de respect de la nature et de ses rythmes.

Q: Comment envisagez-vous l'avenir immédiat de Mirazur et de la gastronomie?

R: Si (la crise sanitaire) continue en 2021, il sera très difficile pour le secteur de survivre. Au Mirazur, nous avons connu deux années spectaculaires qui nous permettent une certaine aisance, mais ce n'est pas non plus infini. Il a toujours été plus difficile d'attirer les gens à Menton que dans une métropole comme Paris. Mais avec la pandémie, les gens fuient un peu les grandes villes. Nos clients ont accès à un niveau de vie élevé et préfèrent souvent choisir un endroit comme le nôtre en pleine nature car ils se sentent plus en sécurité.

Q: Et à moyen terme?

R: Il est clair que nous allons devoir vivre avec le virus pendant un certain temps. On parle du vaccin mais ce n'est pas un remède miracle. Que vais-je faire si cette situation persiste? Je vais devenir agriculteur! (rires). Plus sérieusement, la mort de ce type de restaurants pourrait être critique pour l'ensemble de l'économie, car ils génèrent des emplois pour beaucoup d'autres métiers: producteurs, artisans, graphistes ... De plus, une grande partie du secteur encourage et éduque, c'est un patrimoine social et culturel inestimable. Ce que l'on transmet dans le restaurant ne peut pas être reproduit à distance, avec des ventes à emporter.

Après le premier confinement, les restaurants étaient une fête, les gens étaient heureux de sortir avec leurs amis, de partager, de vivre. Je me battrai jusqu'au dernier moment pour préserver cela.

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