La Chine a accordé des exemptions sur certaines importations américaines soumises à ses droits de douane de 125 % et invite désormais les entreprises à identifier les produits pouvant bénéficier de ces mesures, signe clair que Pékin s'inquiète des répercussions économiques de la guerre commerciale avec Washington, selon des entreprises ayant été informées.
Cette décision représente le dernier indice en date que les deux plus grandes économies mondiales sont prêtes à apaiser leur conflit commercial, dissipant ainsi certaines craintes concernant les conséquences des droits de douane.
L'examen par Pékin d'exemptions tarifaires plus larges pour des dizaines de secteurs industriels intervient alors que Washington a récemment modéré son discours, ce qui a entraîné une légère hausse du dollar américain et stimulé les marchés boursiers à Hong Kong et au Japon.
Un groupe de travail du ministère chinois du Commerce collecte actuellement des listes de produits susceptibles d'être exemptés des droits de douane et invite les entreprises à soumettre leurs propres demandes, selon une personne informée de la démarche.
« Le gouvernement chinois, par exemple, demande à nos entreprises quels types de produits elles importent des États-Unis et qu'elles ne peuvent pas trouver ailleurs, ce qui risquerait de bloquer leur chaîne d'approvisionnement », a déclaré vendredi Michael Hart, président de la Chambre de commerce américaine en Chine.
Selon Hart, certaines entreprises membres de la chambre ont signalé avoir importé des marchandises la semaine dernière sans que les nouveaux droits de douane ne leur soient appliqués.
Le directeur général de l'équipementier aéronautique français Safran a indiqué vendredi avoir été informé la veille au soir que la Chine avait accordé des exemptions tarifaires sur « un certain nombre de pièces d'équipements aéronautiques », incluant moteurs et trains d'atterrissage.
Le ministère chinois du Commerce a déclaré jeudi avoir rencontré plus de 80 entreprises et chambres de commerce étrangères en Chine afin d'évoquer l'impact des droits de douane américains sur l'investissement et l'activité des entreprises étrangères dans le pays.
Les exemptions tarifaires à l'étude à Pékin offriraient un soulagement financier aux entreprises chinoises, des laboratoires pharmaceutiques aux compagnies aériennes, et permettraient d'importer à moindre coût des produits allant des semi-conducteurs aux produits pétrochimiques. Elles pourraient également alléger la pression sur les exportations américaines, à un moment où l'administration Trump semble vouloir parvenir à un accord avec Pékin.
La Chambre de commerce de l'Union européenne en Chine a également indiqué avoir évoqué la question des exemptions tarifaires avec le ministère du Commerce et attend désormais une réponse.
« Beaucoup de nos entreprises membres sont fortement impactées par les droits de douane sur les composants essentiels importés des États-Unis », a déclaré Jens Eskelund, son président.
Une liste de 131 catégories de produits susceptibles de faire l'objet d'exemptions circulait vendredi sur les réseaux sociaux chinois, ainsi qu'auprès des entreprises et groupes professionnels. Reuters n'a pas pu vérifier cette liste, qui comprendrait des produits allant des vaccins et produits chimiques aux moteurs d'avion.
Selon Huatai Securities, cette liste représenterait 45 milliards de dollars d'importations vers la Chine l'an dernier.
L'administration des douanes chinoises et le ministère du Commerce n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Si Washington a reconnu que la confrontation commerciale avec la Chine était économiquement intenable et a déjà accordé des exemptions sur certains produits électroniques, Pékin a maintes fois affirmé être prêt à se battre jusqu'au bout à moins que les États-Unis ne lèvent leurs droits de douane de 145 %.
Mais l'économie chinoise est entrée dans la guerre commerciale avec une montée du chômage, des pressions déflationnistes et une inquiétude grandissante face à l'accumulation de stocks d'exportations invendues, qui pourraient faire encore baisser les prix intérieurs.
Bien que la Chine ait affiché un excédent commercial de près de 1 000 milliards de dollars en 2024, elle reste dépendante des États-Unis pour certaines importations clés, telles que l'éthane, un produit pétrochimique essentiel à la fabrication des plastiques, et certains médicaments.
De grands laboratoires pharmaceutiques comme AstraZeneca et GSK disposent d'au moins un site de production aux États-Unis pour des médicaments vendus en Chine, selon les données du gouvernement chinois.
Les principaux transformateurs d'éthane ont déjà sollicité des dérogations tarifaires auprès de Pékin, les États-Unis étant leur seul fournisseur.