Sebastian Lombardo, en partant à l’assaut de Micropole, comptez-vous réitérer votre opération de 2009 sur Valtech ? *

"Je n’ai pas de schéma tout fait à dupliquer. Comme pour Valtech, il s’agit d’une opération non sollicitée sur une société de services de taille comparable cotée à la Bourse de Paris. Cependant, Micropole ne perd pas d’argent et n’a pas de problèmes de trésorerie. Autre différence notable : à l’époque, nous avions discuté neuf mois avant le lancement de l’opération et le capital de Valtech était flottant à plus de 90%. Cette fois, les co-fondateurs et dirigeants de Micropole détiennent 20,4% du capital. Cependant, nous avons le soutien des principaux investisseurs institutionnels Nextage AM et Dorval AM qui contrôlent à eux deux 20,9% du capital et qui se sont engagés à nous apporter l'intégralité de leurs participations. Avant le bref échange téléphonique que j’ai eu avec son PDG Christian Poyau ce week-end, nous avions sollicité la direction à l’été 2023, mais n’avions pas eu de réponse. Faute d’échange constructif possible à ce stade, nous avons déposé un projet d’offre le 25 mars sur les actions Micropole à 1,50 € et nous sommes placés à l’achat sur le marché à ce prix. Mais je garde espoir de pouvoir entamer ces prochains jours avec la direction un échange favorable pour toutes les parties prenantes du Groupe. Notre intention, comme avec Valtech, est de prendre le contrôle du groupe afin d’y apporter des changements structurels (remaniement du conseil d’administration, évolution du modèle opérationnel, etc.) et d’accélérer les investissements dans le sens d’une stratégie qui pourra être précisée seulement à la suite d’un audit interne de l’entreprise."

Pourquoi Micropole ? Pourquoi maintenant ?

"Nous avons identifié Micropole comme un acteur bien positionné sur les segments porteurs de la transformation digitale et de la valorisation de la data en particulier, avec des équipes dotées de fortes expertises autour de la data. Malgré ces atouts, les performances économiques de Micropole ne sont pas satisfaisantes pour les actionnaires minoritaires et ne bénéficient pas à l’ensemble du management du Groupe. Le cours de Bourse de la société depuis plus de 20 ans en témoigne. Il s’agit donc de redresser significativement la marge opérationnelle, aujourd’hui près de deux fois inférieure à de nombreux acteurs malgré la contribution de subventions et de crédits d’impôts. Et d’intéresser les collaborateurs à la performance économique via la distribution d’actions gratuites avec pour objectif d’atteindre 10% du capital détenu par les salariés. Concernant le timing de l’opération, je n’ai plus de fonctions opérationnelles dans d’autres sociétés et je peux donc consacrer 200% de mon temps à Micropole et à son développement. J’ai à mes côtés des investisseurs actionnaires de la holding initiatrice, Miramar. Il s’agit d’investisseurs qui détiennent chacun 21% : un cadre salarié d'un grand groupe français (ex-Valtech) et de deux entrepreneurs de la Tech qui ont vendu leurs sociétés. Bien entendu, le soutien des actionnaires institutionnels Nextage AM et Dorval AM a été capital pour lancer cette opération."

DEU

Chiffres clés de Micropole (source : DUE 2022)

Vous indiquez vouloir redresser la rentabilité de Micropole. S’agit-il également de doubler de taille comme vous l’aviez fait avec Valtech ?

"Le redressement des marges sera le chantier prioritaire, et s’il est trop tôt pour détailler les modalités, il semble clair que la marge opérationnelle souffre aujourd’hui d’un certain nombre de maux :  turnover des collaborateurs, dispersion des actions commerciales, gouvernance sans contrepouvoir, manque d’excellence opérationnelle, etc. Concernant les ambitions de croissance, l’historique de croissance organique est correct, quoiqu’il pourrait être meilleur compte tenu de la spécialisation de la société sur le traitement de la data, segment très porteur des services numériques. Surtout, il s’agira de repenser la stratégie de croissance externe, historiquement plus tactique que stratégique. Nous souhaitons faire de Micropole une plateforme de consolidation d’un secteur désormais plus mature et dont les cartes vont être redistribuées face aux prochains défis liés aux évolutions réglementaires autour de la data."

Quelles sont les prochaines étapes ? Quel est l’avenir de Micropole en Bourse ?

"Pour l’instant, la réglementation nous autorise à acheter sur le marché jusqu’à 30% du capital pendant la période d’OPA. La prochaine étape sera le dépôt d’une note en réponse à notre projet d’offre et la consultation du CSE. Ensuite, l’AMF avisera sur la conformité de l’offre publique avec une période d’offre qui nous mènerait à la mi-juin, sachant que l’Assemblée Générale de Micropole est prévue pour le 28 juin. 

Notre objectif est de réussir à détenir au moins 50% du capital afin d’opérer les changements nécessaires à la bonne exécution du développement de l’entreprise. Nous souhaitons que la société reste cotée et nous appuyer sur les minoritaires actuels et de nouveaux actionnaires pour réaliser des levées de fonds de plusieurs dizaines de millions d’euros afin de financer le développement. Pour nous, la Bourse sera un atout à partir du moment où la valorisation de la société pourrait également permettre de financer en titres des opérations de croissance externe."


 * Qui est Sebastian Lombardo ?

Après un passage chez Apple puis chez Global Equities en tant qu’analyste financier la fin des années 90, Sebastian Lombardo s’est lancé dans l’aventure entrepreneuriale en créant en avril 2000 Novedia, une SSII spécialisée dans la convergence Web/mobile. Passionné par l’innovation et les organisations à impact sociétal, il a par la suite fondé et investi dans plus d'une quinzaine d'entreprises à forte croissance depuis le début des années 2000, avec l’ambition de bâtir des entreprises rentables à long terme. En 2010, il a notamment racheté la société française Valtech, qu’il a présidé pendant plus de 10 ans avant l’acquisition d’une participation majoritaire au capital par le fonds BC Partners (sur la base d’une valorisation de 1.4 milliard de dollars).

Valtech a vu sa taille multipliée par cinq au cours de cette décennie (croissance annuelle moyenne du chiffre d'affaires supérieure à 15%) et a procédé avec succès à de multiples opérations de croissance externe stratégiques pour devenir une agence mondiale de marketing et transformation digitale de premier plan. Au moment de la cession, Valtech employait plus de 4 000 innovateurs, concepteurs, créatifs et spécialistes du marketing, développeurs et ingénieurs sur les cinq continents, avec plus de 50 bureaux dans 18 pays et avait dédié plus de 10% de son capital à l’intéressement de ses employés.

Depuis 2021, Sebastian a investi dans plusieurs projets, et a notamment investi dans la société de biotechnologie Smart Immune, qui développe des immunothérapies pour lutter contre le cancer. Il est également co-fondateur et principal investisseur du projet Ecovilla au Costa Rica, visant à bâtir des villages et des communautés éco-responsables.

Vous retrouverez ici l’interview donnée par Sebastian Lombardo lors de la reprise de Valtech en 2009.