San Francisco (awp/afp) - Déjà dans le viseur des autorités de la concurrence pour ses liens étroits avec Microsoft, OpenAI, le créateur de ChatGPT, fait désormais l'objet d'une plainte du milliardaire Elon Musk, qui l'accuse de "trahison" par rapport à sa mission initiale.

Le patron de Tesla, SpaceX et X (ex-Twitter) faisait partie des cofondateurs d'OpenAI en 2015 avec Sam Altman, toujours directeur général, mais il a quitté l'organisation en 2018 et fait désormais partie de ses critiques les plus virulents.

Dans des documents déposés jeudi soir devant un tribunal de San Francisco, le richissime entrepreneur reproche à OpenAI et à Sam Altman de ne pas respecter les principes sur lesquels la société a été fondée.

L'évolution d'OpenAI en 2023 constitue "une trahison flagrante de l'accord de fondation", selon Elon Musk.

Lors de sa naissance, OpenAI avait des statuts d'organisation à but non lucratif, devait oeuvrer pour le bien de l'humanité et concevoir des programmes d'intelligence artificielle (IA) en "open source" (accessibles, modifiables, utilisables et redistribuables par tous).

A rebours de ses objectifs initiaux, OpenAI n'a pas rendu public le code de son dernier modèle de fondation, GPT-4, "rompant le contrat initial", font valoir les avocats d'Elon Musk dans la plainte.

L'accord fondateur a donc été totalement remis en question, affirment-ils, accusant OpenAI de chercher à faire des profits "avec potentiellement des implications calamiteuses pour l'humanité".

"Est-ce qu'ils se sont écartés de ce qu'ils proclament être leur mission? Je dirais clairement oui", a déclaré à l'AFP Nikolas Guggenberger, professeur de droit à l'université de Houston. "Mais ce n'est pas nécessairement une base suffisante pour un procès intenté par quelqu'un qui ne fait plus partie du projet", a-t-il ajouté.

"Filiale de facto" de Microsoft

"OpenAI a été transformée en une filiale de facto (...) de la plus grande entreprise technologique au monde: Microsoft", poursuivent les avocats de Musk.

Le lancement de ChatGPT fin 2022, l'interface d'IA générative qui a fait largement connaître cette technologie de production de contenus (textes, sons, images...), a transformé OpenAI en star de la Silicon Valley.

Microsoft a injecté quelque 13 milliards de dollars dans l'organisation ces dernières années, et les deux entreprises commercialisent des services d'IA générative pour les développeurs et les particuliers.

"Contrairement au contrat initial, [ils] ont choisi d'utiliser GPT-4 non pour le bien de l'humanité, mais en tant que technologie exclusive visant à maximiser les profits de la plus grande entreprise au monde", assène la plainte de Musk.

L'an dernier, il a fondé sa propre société d'intelligence artificielle, xAI.

Il réclame notamment que GPT-4 soit exclu de la licence accordée par OpenAI à Microsoft, ainsi que des dommages et intérêts.

Contactés par l'AFP, OpenAI n'a pas réagi et Microsoft a refusé de commenter.

"Elon n'a pas tort. (...) Il n'a pas obtenu ce pour quoi il a payé et travaillé", a réagi Gary Marcus, spécialiste de l'IA, dans sa newsletter.

"Tous ceux qui concluent des accords avec Altman seraient bien avisés de le lire. L'entreprise que Sam (Altman) et Greg (Brockman) ont construite n'a pas grand-chose à voir avec ce qui avait été promis à l'origine."

Enquêtes

Le changement de cap d'OpenAI avait déjà valu à Sam Altman de se faire renvoyer par le conseil d'administration de son organisation en novembre.

Soutenu par Microsoft et l'écrasante majorité des employés de la start-up, le jeune patron avait été réintégré quelques jours plus tard et le fabricant de Windows a obtenu un siège d'observateur au conseil après la révocation des membres critiques de Sam Altman.

"Ce litige a au moins l'avantage de faire la lumière sur le processus de prise de décision", a commenté Anupam Chander, professeur de droit à la Georgetown University.

"Il fait pression sur OpenAI pour qu'elle explique de quelle façon elle respecte toujours cette vision originelle de créer de l'intelligence artificielle pour le bénéfice de toute l'humanité".

OpenAI est aussi dans le viseur des régulateurs.

La Commission européenne, gardienne du droit de la concurrence en Europe, a indiqué courant janvier qu'elle vérifiait "si l'investissement de Microsoft dans OpenAI" pouvait "faire l'objet d'un examen".

Dans la foulée, l'autorité américaine de la concurrence (FTC) a annoncé pour sa part une enquête sur les investissements de Microsoft, Google et Amazon dans les principales start-up d'intelligence artificielle générative, OpenAI et Anthropic.

D'après le Wall Street Journal, le gendarme boursier américain (SEC) examine aussi les communications internes de Sam Altman dans le cadre d'une enquête sur les conditions de son éviction, puis de son retour dans l'entreprise en novembre.

afp/rp