La publication des propos de Patrick Kron, qui a lui-même négocié un accord avec GE avant que Siemens se lance dans une contre-offre face au groupe américain, intervient alors que le PDG de GE doit présenter jeudi au ministre de l'Economie Arnaud Montebourg et aux syndicats une version améliorée et précisée de son offre.

Alstom doit choisir au plus tard le 23 juin entre GE, qui lui propose 16,9 milliards de dollars (12,4 milliards d'euros) pour sa branche énergie, et une offre de Siemens-MHI a priori davantage inspirée par la logique de partenariat défendue par le gouvernement français.

Le tandem germano-nippon propose au total sept milliards d'euros pour un rachat des turbines à gaz d'Alstom par Siemens et un investissements minoritaire de MHI - à travers de coentreprises - dans les turbines à vapeur du groupe français, ses turbines hydrauliques et ses activités dans les réseaux.

"Au bout du compte, malgré certaines impressions (qui laisseraient entendre) le contraire, ce sera aux actionnaires de décider", a déclaré Patrick Kron dans le cadre d'une conférence organisée mercredi par Exane BNP Paribas, selon une note obtenue auprès du broker.

Dans le cadre de son offre avec MHI, Siemens envisage également dans un second temps d'apporter ses actifs ferroviaires à Alstom.

"Je comprends tout à fait pourquoi Siemens veut se débarrasser de ses activités dans le transport. Si j'étais eux, j'essaierais de faire la même chose ; ils veulent nos activités dans le gaz... et nous devrions reprendre leurs activités dans le transport... et bien il leur est permis de rêver", a ironisé Patrick Kron.

GE AVANCERAIT SUR LA SIGNALISATION ET LES RÉSEAUX

Alors que MHI propose de racheter jusqu'à 10% d'Alstom auprès de Bouygues (29,3% du capital), une opération qui pourrait s'accompagner d'une prise de participation de l'Etat français, Patrick Kron a observé que cette proposition serait examinée en tenant compte du fait que, si elle aboutit, le japonais serait à la fois actionnaire et concurrent d'Alstom.

Toujours selon ses propos rapportés par Exane BNP Paribas, Patrick Kron a aussi souligné que la faisabilité de séparer les activités dans le gaz et dans la vapeur, ainsi que les risques d'exécution, seraient aussi des points clés.

Alstom n'a pas souhaité commenter ces informations.

Selon des sources proches du dossier, le PDG de GE Jeff Immelt devait par ailleurs rencontrer à la mi-journée Arnaud Montebourg, avant de voir les syndicats, qui doivent eux-mêmes se rendre à Bercy en fin d'après-midi.

Après avoir promis 1.000 créations d'emplois en trois ans, GE devrait préciser et formaliser jeudi ses engagements en la matière et tenter de répondre au souci du gouvernement de préserver certains actifs d'Alstom, qu'il s'agisse des équipements utilisés dans les centrales nucléaires, des éoliennes, des turbines hydrauliques.

Alors que l'Etat s'inquiète aussi de l'avenir du pôle ferroviaire du fabricant du TGV, GE a déjà fait savoir qu'il envisageait de céder à Alstom le contrôle de son activité de signalisation ferroviaire.

Il pourrait également, selon la presse, proposer à Alstom de rester actionnaire des activités dans les réseaux d'électricité que l'américain envisage de racheter au français.

Une source au fait des discussions a par ailleurs déclaré jeudi que la Banque publique d'investissement (BPI) était prête à investir dans Alstom à la fois dans le scénario d'un rachat de la branche énergie par GE et dans celui d'une alliance avec le tandem Siemens-MHI.

Dans le cadre d'une opération avec GE, la BPI investirait donc dans un Alstom recentré sur ses activités ferroviaires, a précisé cette source.

Vers 13h05, l'action Alstom perdait 0,68% à 29,27 euros, accusant l'une des rares baisses du CAC 40.

(Avec Natalie Huet et Gwénaëlle Barzic, édité par Jean-Michel Bélot)

par Benjamin Mallet et Jean-Baptiste Vey