En cela, elle n’affiche manifestement pas l’éclatante résilience de Hermès, Richemont ou Brunello Cucinelli. S’agit-il d’un coup de mou temporaire ou d’un effet de mode qui s’estompe pour de vrai après un cycle d’expansion hors-du-commun ?

Présidé par l’excellent entrepreneur Remo Ruffini, Moncler avait déjà traversé un épisode semblable en 2020. Le groupe italien avait mis la paralysie causée par la pandémie à profit pour réaliser l’acquisition de Stone Island, et ainsi s’ouvrir à un public plus jeune.

Stone Island avait été racheté à x17 son profit d’exploitation avant investissements, ou EBITDA. Bien pensée, la transaction avait été immédiatement relutive, et le retour sur investissement tout à fait remarquable. 

Il n’échappera pas aux observateurs attentifs que Moncler est actuellement valorisé à x14 l’EBITDA, c’est-à-dire sur ses plus-bas historiques, touchés pour la dernière fois durant la pandémie justement.

Remo Ruffini n’est pas du genre à craindre les coups de grisou. Il avait racheté la marque française Moncler en 2003, alors qu’elle frisait avec le dépôt de bilan ; et l’avait introduite sur la bourse de Milan dix ans plus tard, à une époque durant laquelle les investisseurs avaient complètement déserté l’économie italienne ravagée par la crise de l’euro.

La décennie qui suivit fut épique, puisque le chiffre d’affaires et le profit d’exploitation du groupe quintuplèrent tous les deux sur la période, tandis que les marges restaient supérieures à celles de Prada ou Kering. Kering qui, on s’en souvient, avait approché Moncler pour discuter d’un rachat fin 2019, sans succès.

L’année 2024 avait cependant marqué un net ralentissement. Pour la première fois de son histoire, la marque n’affichait plus de croissance à deux chiffres : 4% seulement sur les douze derniers mois écoulés, contre 15% en 2023 et 27% en 2022.

D’où les craintes que Moncler soit tombé de son piédestal, et que l’époque où le groupe italien dominait le classement du secteur du luxe en termes de croissance des profits soit révolue. 

Un autre investisseur qui aime prendre le contrepied des conjonctures difficiles est Bernard Arnault. Via les différents véhicules qu’il contrôle, dont LVMH, M. Arnault s’est ménagé l’option de s’accaparer jusqu’à 22% de Double R, la holding familiale qui contrôle Moncler.

En même temps qu’elle consolide — a priori — la mainmise de Remo Ruffini sur son groupe, elle ouvre aussi la voie à une nouvelle acquisition stratégique. Voici donc un concours de circonstances   qui ne devraient pas laisser insensibles les fanas de la marque qui rêvaient depuis longtemps d’en posséder un bout.

Moncler réalise la moitié de son chiffre d’affaires en Asie et presque les neuf-dixièmes de ses ventes via ses magasins détenus en propre. Audacieuse, c’est cette stratégie qui lui a permis de défendre un pricing power qui ne s’est pour l’instant jamais démenti.