PARIS (awp/afp) - La lourde condamnation du géant agrochimique américain Monsanto, vendredi aux Etats-Unis, pour ne pas avoir informé de la dangerosité du Roundup, a réjoui samedi les adversaires du glyphosate, le produit chimique contenu dans cet herbicide qu'ils souhaitent voir interdit en France.

"Ce jugement, c'est une nouvelle fois la preuve que les pesticides sont dangereux pour la santé, des utilisateurs en premier lieu --et donc des paysans et des paysannes--, et puis par ricochet aussi de ceux qui consomment les produits", a indiqué à l'AFP le porte-parole de la Confédération paysanne Laurent Pinatel.

Un jury d'un tribunal de San Francisco a condamné Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages à Dewayne Johnson. Ce jardinier américain de 46 ans estimait que les produits de Monsanto, et notamment le Roundup qu'il avait vaporisé pendant des années, avaient entraîné son cancer et que la multinationale avait sciemment caché leur dangerosité.

"Il faut absolument se donner les moyens de sortir des pesticides, de cette dépendance", a jugé M. Pinatel.

Le porte-parole du troisième syndicat agricole français a rappelé la promesse d'Emmanuel Macron de sortir du glyphosate d'ici 2021. Cela nécessite, selon lui, "des moyens techniques avec la recherche et puis des moyens économiques aussi, car les pesticides, c'est un outil de compétitivité dans la guerre économique".

Europe-Écologie-Les Verts a jugé que la condamnation de Monsanto aux Etats-Unis était "historique".

"Cette décision doit ouvrir un tournant. Les écologistes demandent solennellement au gouvernement de cesser de tergiverser sur le glyphosate et les pesticides qui détruisent notre santé et la biodiversité", a écrit EELV.

"Plutôt que de gagner du temps pour les intérêts de quelques-uns, la France doit appliquer le principe de précaution sans tarder, et débloquer immédiatement les fonds nécessaires pour aider les agriculteurs à se passer de ces produits dangereux", a poursuivi le parti.

Plusieurs associations françaises de défense de l'environnement ont également salué la condamnation du groupe américain, désormais propriété de l'allemand Bayer.

"Notre première réaction, c'est de dire +enfin et heureusement+, parce qu'avec tous les éléments à charge contre Monsanto cela aurait été absolument incompréhensible qu'il ne soit pas condamné", a indiqué à l'AFP Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France.

"La justice agit là ou le gouvernement n'est pas présent, il faut que les citoyens continuent de se mobiliser pour que le glyphosate soit enfin interdit en France et en Europe", a-t-elle insisté.

"Générations Futures salue cette décision historique, qui reconnaît le caractère cancérogène de ces produits à base de glyphosate et la responsabilité de Monsanto dans le fait de les avoir mis sur le marché sans en avertir le consommateur", a de son côté indiqué dans un communiqué le directeur de cette association, François Veillerette.

Quant à Benjamin Sourice, président de Combat Monsanto, il juge que "cette condamnation reconnaît non seulement que le Roundup est cancérigène, mais surtout que Monsanto avait les informations sur la dangerosité du produit et qu'ils ont tout fait pour masquer cette dangerosité".

"Elle montre que Monsanto savait depuis le début que sa formule chimique est toxique, et qu'ils ont trompé les autorités publiques", a-t-il affirmé à l'AFP.

"L'ensemble des lobbies des pesticides trompent les autorités publiques, qui se laissent d'une certaine façon volontairement avoir", a-t-il ajouté.

Enfin, l'agriculteur Paul François, figure en France du combat contre Monsanto, dit avoir ressenti "beaucoup de joie" pour tous ceux qui se battent à travers le monde après la condamnation aux Etats-Unis du géant agrochimique.

"J'ai pensé à eux en me disant que cette décision allait les aider et leur donner beaucoup d'espoir", a déclaré à l'AFP le président de l'association Phyto-victimes et auteur du livre "Un paysan contre Monsanto".

Le groupe allemand Bayer, propriétaire de Monsanto a estimé samedi que le glyphosate était "sûr et non cancérogène".

Le ministère de l'Agriculture et la FNSEA --opposée à l'interdiction du glyphosate-- n'avaient pas répondu aux sollicitations de l'AFP samedi après-midi.

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