San Francisco (awp/ats/reu/afp) - Un jury californien a considéré vendredi que le désherbant Roundup de Monsanto était à l'origine du cancer qu'a développé un agent d'entretien. Il a condamné le géant américain à lui verser 289 millions de dollars (287 millions de francs suisses). Monsanto fera appel.

Il a fallu trois jours aux jurés de la Cour supérieure de Californie pour annoncer leur décision. Ils ont estimé que Monsanto avait agi avec "malveillance" et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient "considérablement" contribué à la maladie du plaignant, Dewayne Johnson.

Ce dernier réclamait plus de 400 millions de dollars, estimant que ces produits avaient entraîné son cancer et que Monsanto avait sciemment caché leur dangerosité. Le géant américain a été condamné à 250 millions de dollars de dommages punitifs, assortis de 39,2 millions de dollars d'intérêts compensatoires.

Recours de Monsanto

"J'ai reçu beaucoup de soutien depuis le début de cette affaire (...) Je suis content de pouvoir aider une cause qui me dépasse largement. Et j'espère que cette décision commencera à lui apporter l'attention dont elle a besoin", a réagi M. Johnson lors d'une conférence de presse.

"Le jury a eu tort", a répliqué le vice-président de Monsanto Scott Partridge devant le tribunal. L'entreprise a par ailleurs immédiatement annoncé dans un communiqué qu'elle avait l'intention de faire appel et réitérant l'idée que le glyphosate, principe actif du Roundup, ne cause pas le cancer et n'est pas responsable de la maladie du plaignant.

"Nous exprimons notre sympathie à M. Johnson et à sa famille. La décision d'aujourd'hui ne change pas le fait que 800 études scientifiques et les conclusions de l'agence américaine de la protection de l'environnement (EPA), des instituts nationaux pour la santé et des autres autorités de régulation à travers le monde soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer et n'a pas causé le cancer de M. Johnson", affirme le groupe.

En phase terminale

Le géant agrochimique, qui vient d'être racheté par l'allemand Bayer, était poursuivi par cet Américain de 46 ans qui a abondamment utilisé le désherbant Roundup et sa version professionnelle plus puissante, le RangerPro, dans le cadre de son travail de jardinier, entre 2012 et 2014.

Ce père de trois garçons a été diagnostiqué en 2014 d'un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins lui donnent moins de deux ans à vivre.

M. Johnson, qui n'avait pas de problème de santé auparavant, à expliquer, lors de son témoignage fin juillet, qu'il n'avait aucune idée des controverses sur le glyphosate avant de voir des marques sur sa peau et de se renseigner sur internet.

Pour ses avocats, Monsanto a fait passer ses bénéfices avant la santé publique en bataillant contre des études faisant état de risques cancérigènes autour du Roundup.

Pour Monsanto, il n'y a aucun lien entre cancer et glyphosate et donc aucune raison d'avertir d'un danger quelconque à propos de cette substance très controversée.

Près de 5000 procédures en cours

Ce dossier est le premier d'une longue liste de plaintes visant Monsanto. Près de 5000 procédures similaires sont actuellement à l'examen aux Etats-Unis. Le verdict de vendredi "va provoquer une cascade de nouvelles affaires", selon Robert F. Kennedy Jr, membre de l'équipe d'avocats autour du plaignant.

Les inquiétudes sur le glyphosate, l'un des composants essentiels de l'herbicide Roundup, ont donné lieu à l'ouverture d'innombrables enquêtes aux Etats-Unis et déclenché un débat d'experts en Europe après des conclusions contradictoires.

Malgré ces débats, les pays de l'Union européenne ont voté de justesse en novembre en faveur du renouvellement pour cinq ans de l'autorisation de l'herbicide.

En Suisse, le Conseil fédéral a estimé en mai qu'il n'y a toujours pas de raison d'interdire le glyphosate. Les concentrations mesurées sont si faibles qu'elles ne présentent pas de danger pour la santé du consommateur, selon lui.

ats/afp/reu/rp