Si elles restent vives, les craintes d’un retournement de cycle que nous détaillions fin 2023 dans Morgan Stanley : Nouvelle ère ne se sont pas encore matérialisées pour la banque d’investissement.
Comme nous l’écrivions en février dernier dans Dénouement heureux pour les créanciers d'Elon Musk, le groupe de sept grands prêteurs — emmené par Morgan Stanley justement, et dont BNP et la Société Générale faisaient partie — qui avaient financé la transaction s’étaient retrouvés contraints de conserver dans leurs livres une dette invendable et décotée.
Heureusement pour elles, l’élection de Donald Trump et le retour en grâce — possiblement très temporaire — de l’entrepreneur d’origine sud-africaine leur ont offert une porte de sortie providentielle.
Les autres segments du pôle banque d’investissement de Morgan Stanley ne sont cependant pas en reste : ils affichent tous une bonne tenue, y compris dans les activités de conseil qu’on imaginait pourtant tétanisées par les frasques du nouveau président américain.
Quant au pôle gestion d’actifs, il affiche une nette hausse des encours sous gestion. On note que Morgan Stanley reste clairement en mode « risk on » avec des prêts à ses clients fortunés en hausse : $162.5 milliards fin mars 2025, contre $147.4 milliards l’an dernier à la même époque.
La vitalité des activités non-liées aux taux d’intérêt permet de compenser un léger recul de la marge d’intérêt nette, qui diminue elle de $2.55 milliards à $2.35 milliards sur douze mois. La marge de profit pré-taxes de la firme atteint 31% et le ratio de dépenses 68% — deux traditionnels étalons de performance qui restent ici un cran sous Goldman Sachs.
Comme l’an dernier à la même époque, Morgan Stanley redirige un milliard de dollars vers les rachats d’actions, à un cours néanmoins très supérieur à celui de l’époque — $126 en moyenne, contre $87 début 2024. La firme a notons-le levé le pied sur les rachats d’actions, ce qui traduit son positionnement vis-à-vis de ses niveaux de valorisation actuels.
Ces derniers, en effet, évoluent toujours sur leurs plus-hauts, à l’image de la rentabilité actuelle de capitaux propres de la banque. En février, le titre avait même atteint trois fois la valeur des capitaux propres tangibles, avant d’entamer un plongeon qui devrait le ramener vers un niveau de deux fois les capitaux propres tangibles.
Ancrés sur ces sommets historiques depuis la pandémie, de tels niveaux de valorisation n’avaient plus été observés depuis la période précédant la crise des subprimes. Il n'est donc pas certain que de telles largesses soient soutenables.
A moins que le cycle 2025-2040 ne soit aussi exceptionnel pour Wall Street que ne l’a été 2010-2025, ce dont il est permis de douter à la lumière des récents commentaires du Secrétaire du trésor des États-Unis. En la matière, les récentes déconvenues de Jefferies pourraient faire office de signe annonciateur.