Paris (awp/afp) - En raison de la guerre en Ukraine, les grands réassureurs mondiaux s'apprêtent à traverser une zone de turbulences, ce qui les pousse à mettre de l'argent de côté en prévision de litiges attendus notamment autour de l'aviation civile.

La société française Scor, dont l'activité consiste à assurer les assureurs, a par exemple provisionné un montant de 85 millions d'euros "au titre du conflit en Ukraine".

Cette somme pèse lourd dans ses comptes puisqu'elle représente à peu près la perte nette de la société sur les trois premiers mois de l'année.

Ailleurs en Europe, les géants de la réassurance ont adopté la même démarche. Le groupe allemand Munich Re a enregistré des provisions dans le cadre du conflit pour "plus de 100 millions d'euros".

Ses comptes sont malgré tout restés dans le vert en début d'année, à l'inverse de son concurrent Swiss Re, qui a mis de côté 283 millions de dollars pour couvrir les frais de dédommagements découlant de la guerre.

La question de l'indemnisation de la guerre en Ukraine est complexe car elle active plusieurs types de couverture, à commencer par la responsabilité civile, en cas de décès ou d'invalidité, mais qui répond surtout à un marché local.

D'autres types de couvertures concernent davantage les grands acteurs mondiaux et leurs clients entreprises comme celle du risque politique ou de celui dit "de guerre".

Y a-t-il un assureur dans l'avion ?

L'aviation civile est concernée au premier chef, la Russie étant accusée d'avoir "volé" des centaines d'avions de ligne par de hauts responsables européens.

"Il y en a pour environ 10 milliards (d'euros), plus de 500 appareils saisis par les Russes et immatriculés chez eux, cela crée une situation très difficile pour les loueurs européens ainsi que les assureurs", déclarait fin mars le directeur général de l'organisme européen de surveillance du trafic aérien Eurocontrol Eamonn Brennan.

Or les avions "sont très réassurés", note auprès de l'AFP le cabinet de conseil Roland Berger. De fait, "les provisions importantes passent au travers des assureurs et vont chez les réassureurs".

La société irlandaise de location d'avions AerCap n'aura pas attendu longtemps. Elle a fait état en marge de ses résultats du premier trimestre publiés le 17 mai d'une réclamation de 3,5 milliards de dollars couvrant ses 113 avions restés en Russie.

"Nos locataires sont tenus de fournir une couverture d'assurance à l'égard des avions loués et nous sommes désignés comme assurés en vertu de ces polices en cas de perte totale d'un avion", précise la société, qui souscrit en parallèle une assurance "lorsque la police du locataire ne nous indemnise pas".

Encore trop tôt

Il y aura de quoi alimenter "une longue bataille entre les loueurs et les assureurs", selon une note publiée jeudi dernier par le cabinet de conseil AlixPartners, et "des litiges de plusieurs années".

À l'occasion de la publication des résultats du premier trimestre, le directeur financier de l'assureur français Axa Alban de Mailly Nesle avait précisé qu'il était encore "trop tôt pour indiquer une estimation précise de l'impact" de la guerre.

La provision de Scor ne répond pour le moment qu'à une anticipation. "À ce stade, nous n'avons pas reçu de notifications formelle de sinistres de la part des +cédantes+ (assureurs, ndlr)", expliquait à l'occasion de la présentation des résultats du premier trimestre le responsable de la branche dommages Scor Romain Launay, le 6 mai.

Les réassureurs "mettent leurs estimations avant les assureurs", complétait le même jour le PDG de la société Laurent Rousseau, une démarche qui peut sembler "paradoxale" mais qui traduit surtout une culture de la "prudence" et de "l'anticipation".

La société Lloyd's of London avait averti le 24 mars que l'invasion russe de l'Ukraine aura un impact "majeur" sur le marché de l'assurance en 2022.

afp/rp