Paris (awp/afp) - Les taux d'intérêt des emprunts d'Etat ne cessent de flamber, atteignant des plus hauts depuis 10 ou 15 ans sous l'effet des politiques monétaires. La rapidité du mouvement a déjà forcé certaines banques centrales à agir, à l'image de la Banque d'Angleterre mercredi.

Depuis quand n'avait-on pas vu ça?

Aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie, le coût de la dette des Etats retrouve des niveaux inédits depuis au moins une décennie sur le marché obligataire, où les investisseurs s'échangent les titres de dette. Le mouvement, débuté en fin d'année 2021, s'est encore accéléré depuis la mi-septembre, atteignant une vitesse plus vue "depuis 30 ans", selon Amaury d'Orsay, responsable obligataire chez Amundi, premier gestionnaire d'actifs en Europe.

Mercredi, le taux des emprunts américains à 10 ans, l'échéance de long terme qui fait référence sur les marchés obligataires, a ainsi dépassé les 4% et touché un plus haut depuis octobre 2008. Il n'était que de 1,5% en début d'année.

L'emprunt à 10 ans britannique a de son côté battu mercredi un record depuis octobre 2008, au-dessus des 4,5%, alors qu'il avait commencé l'année sous 1%. Les investisseurs s'inquiètent en effet des conséquences pour les finances publiques des mesures de soutien à l'économie et des baisses d'impôts très coûteuses présentées vendredi par le gouvernement britannique.

Les emprunts allemands, français et italiens de même échéance sont eux à des plus hauts depuis une décennie. L'écart entre les taux allemands et italiens, un indicateur de la nervosité des marchés, est monté mardi à son plus haut niveau depuis avril 2020, deux jours après la victoire de la candidate post-fasciste Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes.

Mexique, Canada ou encore Brésil ont aussi battu des records pluriannuels cette année.

Pourquoi une telle hausse?

Les institutions chargées de la politique monétaire ont provoqué un "ouragan", décrit Sebastian Paris Horvitz, responsable de la recherche de La Banque Postale AM. Face à l'accélération de l'inflation, elles ont mis un terme à leurs mesures de soutien de l'économie et se sont mises à relever leurs taux directeurs, qui étaient jusque-là extrêmement bas, voire négatifs.

Le principal taux directeur de la banque centrale américaine (Fed), encore proche de 0% en mars, est ainsi passé à plus de 3% en septembre. La Banque centrale européenne (BCE) suit le même chemin, avec du retard, son principal taux passant de -0,5% en juillet à +0,75% en septembre. Et elles ne comptent pas s'arrêter là, comme l'ont encore affirmé des hauts responsables des deux côtés de l'Atlantique en début de semaine.

Or l'évolution des intérêts des emprunts d'Etats est très liée aux prévisions des analystes sur les prochaines actions des banques centrales, explique à l'AFP Nordim Naam, spécialiste du marché obligataire pour Natixis.

Il souligne également que l'activité économique, au moins aux Etats-Unis, reste encore soutenue, avec un taux de chômage faible. "Tant qu'il n'y a pas de signes de récession probants, il n'y a pas de raison d'une baisse" du coût des emprunts des Etats, estime-t-il. Ce coût a tendance à augmenter en période de croissance et à baisser quand le ralentissement économique se confirme.

Quelles réactions des banques centrales?

Les banques centrales se sont accommodées de la hausse des taux d'emprunt des Etats, qu'elles ont en grande partie provoquée, mais les brusques mouvements ont forcé certaines à réagir pour éviter une panique financière. La Banque d'Angleterre va, par exemple, "effectuer des achats d'obligations gouvernementales à échéance éloignée" afin de "rétablir des conditions de marché normales", a-t-elle annoncé mercredi.

La BCE avait, de son côté, présenté au cours de l'été un mécanisme spécial pour limiter un écartement trop grand des taux d'emprunt au sein des pays de la zone euro en cas d'attaques spéculatives sur la dette des Etats les plus fragiles. Elle n'a pour l'instant pas annoncé l'avoir activé.

afp/vj