(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Les marchés financiers hésitent sur la direction à prendre

* Les banques centrales optent pour le statu quo

* Le manque de visibilité complique leur tâche

* La reprise économique semble marquer le pas

* Une amorce de rotation s'observe sur les actions

par Patrick Vignal

PARIS, 21 septembre (Reuters) - Il est bien difficile de déterminer la direction que s'apprêtent à suivre des marchés financiers qui semblent un peu perdus face à des banques centrales devenues indécises et des perspectives économiques toujours aussi floues.

Tout en affirmant chacune leur volonté de demeurer acommodante, la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) viennent de marquer une pause justifiée par leur manque de visibilité.

Elles ne savent en effet pas plus que quiconque comment évoluera une pandémie qui a touché plus de 30 millions de personnes dans le monde selon les calculs de Reuters et plongé les économies qu'elles cherchent à soutenir dans une récession sans précédent.

Les banques centrales voient en outre s'approcher une élection présidentielle américaine susceptible de créer de la volatilité et constatent à la fois l'impasse sur un deuxième plan de relance de l'économie américaine, la persistance des tensions entre Washington et Pékin et les difficiles négociations entre Londres et Bruxelles sur la gestion de leur divorce.

Dans ce contexte tendu, la reprise, soutenue jusqu'à présent par les mesures de stimulation monétaire et budgétaires massives mises en oeuvre dans de nombreuses économies développées, semble marquer le pas, pénalisée notamment par un ralentissement de la demande et une accumulation de l'épargne qui pèse sur la croissance.

Les instituts d'émission sont parfaitement conscients du problème, la Banque d'Angleterre allant jusqu'à envisager un éventuel recours à des taux d'intérêt négatifs.

La BCE, elle, s'en tient au statu quo sur les taux mais continuera à surveiller l'inflation dans la zone euro, passée en territoire négatif au mois d'août, tout en gardant un oeil sur la monnaie unique, dont l'appréciation face au dollar la préoccupe.

"C'ÉTAIT TROP TÔT"

"Nous sommes dans une phase de reprise avec beaucoup d'incertitudes et la BCE n'avait pas forcément intérêt, à ce stade, à annoncer de nouvelles mesures", explique à Reuters Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué en charge des gestions chez OFI Asset Management, dont l'analyse pourrait tout aussi bien s'appliquer à la réunion de la Fed.

"Si elle l'avait fait, les marchés auraient, paradoxalement, peut-être pris peur", ajoute-t-il. "C'était trop tôt. Le contexte est très particulier et la BCE a raison de ne pas brûler ses cartouches trop vite."

Du côté de la Fed, qui vient de faire savoir qu'elle ne relèverait pas ses taux avant longtemps, l'inquiétude est réelle et les marchés suivront avec attention l'audition, mercredi, de son président, Jerome Powell, par une commission de la Chambre des représentants.

Tout comme les décideurs monétaires, les intervenants de marché ne savent pas de quoi demain sera fait.

Une enquête que vient de réaliser de Natixis Investment Managers auprès de ses analystes et ceux de ses affiliés résume parfaitement leur état d'esprit.

Pour 53% des stratégistes interrogés, un mouvement à la vente sera observé sur les actions d'ici à la fin de l'année, 47% estimant au contraire que la séquence de hausse en cours va se poursuivre malgré les signes d'essoufflement qui se manifestent.

"Bien qu'il existe un consensus au sein du groupe sur le fait que la reprise sera difficile, la direction vers laquelle les marchés vont se diriger à la fin de l'année n'est pas claire", explique Esty Dwek, responsable de la stratégie "global macro" au sein de Natixis Investment Managers Solutions.

UNE ROTATION S'AMORCE

Le bel optimisme qui a suivi la dislocation des marchés au mois de mars et a pu paraître à certains en déconnexion avec l'économie réelle a donc cédé la place à la prudence avec l'amorce d'une rotation sectorielle.

Les valeurs de croissance en font les frais, à commencer par les géants américains de la technologie, dont les valorisations extrêmement tendues ne se justifient plus aux yeux de nombreux investisseurs.

A l'inverse, les valeurs cycliques, durement frappées par la crise sanitaire et devenues très abordables, reprennent des couleurs, à l'exception toutefois des secteurs menacés d'une crise durable, comme les transports, le tourisme et les loisirs.

La vigilance s'impose également sur le marché obligataire, qui n'est pas à l'abri d'une crise de solvabilité dans certains secteurs où les fondamentaux des entreprises se sont dégradés, avec un niveau d'endettement difficilement soutenable dans le temps pour les émetteurs les plus fragiles, dit-on chez Allianz Global Investors.

Là encore, les acteurs du tourisme et des loisirs sont en première ligne, explique Stéphanie Iem, analyste crédit pour la société de gestion.

"Nous prévoyons une augmentation du risque de défauts dans les 12 à 24 prochains mois parce qu'une fois que les mesures de soutien des gouvernements vont être retirées, les sociétés vont hériter d'un bilan surendetté avec des modèles économiques qui vont être mis en péril par de nouveaux modes de consommation", prévient-elle.

(édité par Blandine Hénault)