Paris (awp/afp) - Avec l'Union bancaire, les Européens devaient en finir avec les sauvetages bancaires à grands coups d'argent public, un voeu pieux mis à mal par la récente liquidation de deux banques italiennes.

"Alors que l'Union bancaire entend limiter autant que possible l'aide publique aux banques et que ses principales dispositions sont entrées en vigueur en 2016, l'opération a de quoi surprendre", souligne Alan Lemangnen, analyste chez Natixis.

Le gouvernement italien s'est engagé dimanche à verser jusqu'à 17 milliards d'euros - 5 milliards immédiatement et 12 milliards sous forme de garanties - pour sauver les activités saines et éponger les créances douteuses de deux petites banques vénitiennes dont les difficultés représentaient une menace pour le système bancaire local.

Elles seront démantelées mais leurs actifs sains repris par Intesa Sanpaolo, la plus grande banque et la plus stable du pays, permettant d'éviter des licenciements secs et de protéger les déposants.

Malgré l'approbation de la Commission européenne, plusieurs voix se sont élevées en Europe, notamment en Allemagne, pour critiquer la procédure.

Ce plan "ne s'inscrivant pas dans la philosophie de l'Union bancaire, (il) pourrait nuire à sa crédibilité", pointe M. Lemangnen.

- "Risque d'effet domino" -

Selon ce nouveau cadre, créé après la crise financière de 2008 et adopté début 2014 par le Parlement européen, une banque en situation de faillite doit désormais passer par une "résolution", procédure permettant aux autorités de l'assainir rapidement et de manière contrôlée, notamment en sollicitant les actionnaires et créditeurs.

Objectif du mécanisme ? Protéger les contribuables européens contre de coûteux renflouements publics tels que ceux qui ont eu lieu au coeur de la crise, comme ce fut le cas notamment pour Dexia ou Bankia.

Début juin, le Mécanisme européen de résolution, pilier de l'Union bancaire, avait passé avec succès l'épreuve du feu en scellant - en une nuit et pour un euro symbolique - le rachat de la banque espagnole en faillite Banco Popular par sa compatriote Santander, épargnant ainsi l'argent public.

Dans le cas italien, le conseil de résolution a toutefois estimé que les deux établissements vénitiens avaient été "incapables de présenter des solutions crédibles pour l'avenir" à même de déclencher une résolution.

A défaut de sauvetage, ils ont été placées en liquidation, procédure obéissant alors à la réglementation nationale.

Sans intervention de l'Etat, il existait un "risque d'effet domino", a justifié le président d'Intesa Sanpaolo, Gian Maria Gros-Pietro.

Reste que, "depuis 2015, toutes les résolutions bancaires ayant eu lieu en Italie ont impliqué des fonds publics ou parapublics pour éviter la mise en oeuvre du +bail-in+", c'est-à-dire une mise à contribution des créanciers, qui comprennent en Italie nombre de ménages et entreprises, pour renflouer les banques, souligne Alan Lemangnen.

Et pour cause, les contribuables italiens détenaient encore quelque 130 milliards d'euros de titres de dette bancaire en décembre 2016, selon Natixis.

Tant que cet encours ne sera pas remboursé, "les autorités italiennes resteront réticentes à utiliser le +bail-in+ pour absorber les pertes, tant l'instrument est toxique politiquement", notamment à l'approche d'élections.

- Union bancaire "incomplète" -

"Cet épisode souligne le caractère incomplet du dispositif d'Union bancaire", a expliqué à l'AFP Nicolas Veron, chercheur au centre de réflexion européen Bruegel.

Car si l'harmonisation des procédures de résolutions est désormais effective, les liquidations restent du ressort des gouvernements. Par conséquent, "un Etat membre qui souhaite contourner la discipline introduite par les textes de 2012-2014 peut le faire comme le prouve le cas de l'Italie", ajoute ce spécialiste.

De son côté, Bruxelles a balayé mardi les critiques émises contre le sauvetage ce week-end des activités saines des banques vénitiennes, affirmant qu'il ne contournait pas les règles de l'Union bancaire, même s'il était onéreux pour le contribuable.

"Les règles laissent une certaine marge de manoeuvre aux Etats et aux différences de législation", a déclaré la Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Concernant le cas vénitien, "je ne vois pas d'impact sur l'Union bancaire en tant que telle. Nous sommes tous dans un processus d'apprentissage des nuances et comment ces règles fonctionnent", a-t-elle dit.

afp/rp