Le régulateur européen l’avait incité à orienter sa stratégie d’entreprise vers les biocarburants. Pionnier en la matière, le groupe toujours contrôlé par l’état finlandais est notamment réputé pour avoir breveté et commencé la production de biodiesels à base de graisse animale il y a presque vingt ans ; il est aussi un spécialiste des SAF, ou ‘sustainable aviation fuels’.

Les velléités européennes d’imposer un quota de SAF ont été progressivement diluées, faute de logique économique. Ces derniers sont en effet deux à trois fois plus chers que le kérosène traditionnel, et cet écart de compétitivité se creuse encore davantage avec un prix du baril qui dévisse, comme en ce moment. La situation est identique sur le segment des biodiesels, où le marché reste en surcapacité ; c’est d’ailleurs ce qui incitait récemment BP et Shell à y abandonner leurs projets.

En conséquence, les marges de Neste sont deux fois moindres qu’escompté et les projections de profits d’exploitation sur les douze prochains mois divisées par trois. Les dix milliards d’euros investis dans ses capacités de production de biocarburants tournent ainsi à vide. Pour la première fois de son histoire, le groupe affiche une perte à un moment qui coïncide avec un endettement qui culmine à un record historique. 

La situation a imposé au raffineur de réduire drastiquement son dividende ; de procéder au licenciement d’un dixième de ses employés ; et de reporter d’un an l’expansion de son site de Rotterdam, dont le budget initial a déjà été nettement dépassé. Cette expérience douloureuse n’est pas sans précédent dans le secteur des énergies renouvelables européen. On pense entre autres aux déboires de Orsted ou de BP : voir à ce sujet Orsted acculé à demander des mesures de soutien à l'UE et L'espoir pointe à l'horizon pour BP.

Le bon côté des choses est que Neste sera en position de force une fois que le marché des biocarburants se redressera — s’il se redresse. Premier producteur mondial, le groupe a des sites en Californie, à Singapour et en Hollande. Il peut par ailleurs compter sur ses activités de raffinage de produits pétroliers traditionnels pour équilibrer ses activités, et dans une très moindre mesure sur son réseau de stations-services en Finlande. 

N’en demeure pas moins que l’époque où le finlandais faisait l’unanimité chez les investisseurs est révolue. Divisée par quatre en vingt-quatre mois, la capitalisation boursière de cette ancienne star de la cote s’est effondrée ; les amateurs du genre y verront peut-être une opportunité de prendre le contre-pied d’un pessimisme extrême, possiblement tout aussi injuste que ne l’était l’optimisme extrême d’antan.