Zurich (awp/afp) - HYT, une marque culte chez les passionnés d'horlogerie, a fait faillite avec la pandémie mais son nouveau patron, Davide Cerrato, mise sur la reprise dans le luxe pour tenter de la relancer avec des modèles à pas moins de 70.000 euros.

En mars dernier, cette petite marque indépendante avait dû se résoudre à mettre la clé sous la porte et licencier ses 17 employés alors que les ventes des fabricants de montres suisses s'étaient effondrées en 2020. Mais le luxe a entre-temps connu un rebond spectaculaire.

"C'est le bon moment", a estimé M. Cerrato, l'ancien directeur artistique de Tudor, une marque qui appartient à Rolex, et ancien directeur de la division Montres de Montblanc, lors d'un entretien avec l'AFP.

"Les gens fortunés qui investissent en Bourse ont gagné énormément d'argent depuis deux ans", a fait valoir M. Cerrato à la tête depuis juillet de l'équipe qui a voulu relancer la marque, soulignant que cette clientèle fortunée a non seulement beaucoup de liquidités disponibles mais aussi une forte "envie de dépenser".

Et pour preuve, Rolls-Royce, Bentley et Bugatti ont connu une année record en 2021. Richemont, propriétaire de Montblanc et de Cartier, a vu ses ventes s'envoler pendant les fêtes tandis que LVMH, le numéro un mondial du luxe, a signé un exercice record. Les exportations de montres suisses ont de leur côté surpassé leur niveau d'avant-pandémie mais aussi leur précédent record historique de 2014, une année faste dans l'horlogerie.

Sensation

Lancée en 2012, la marque HYT avait fait sensation au salon horloger de Bâle avec ses montres futuristes qui ne donnent pas l'heure avec une aiguille mais avec un fluide qui se déplace dans un minuscule tube autour du cadran.

M. Cerrato l'avait alors découverte dans les allées du salon et avoue avoir été "impressionné" par la prouesse technique de ces montres qui s'appuyaient sur une technologie développée à l'origine pour le secteur médical. "Dès que j'ai vu HYT, j'y ai vu un potentiel énorme", se souvient-il.

La marque avait aussi attiré l'oeil d'investisseurs, dont l'ancien président de Nestlé, Peter Brabeck-Letmathe, qui était entré dans son capital. L'entreprise avait pu procéder à une levée de fonds pour mettre au point des modèles à des prix plus abordables, ses premières montres coûtant plus de 50.000 francs suisses (48.000 euros).

Remontée en gamme

Mais avec l'épidémie de Covid-19, l'entreprise a vu ses ventes s'effondrer de 40% en 2020. Faute d'avoir pu lever les 5 à 10 millions de francs suisses qui lui manquaient pour se maintenir à flot, elle avait dû déposer le bilan.

Pour la relancer, M. Cerrato compte cependant aller à rebours de l'ancienne équipe et la remonter en gamme en multipliant les complications horlogères pour séduire les riches collectionneurs, à l'affût de montres qu'ils ne retrouveront pas à tous les poignets.

La marque va d'abord lancer un premier modèle à 70.000 francs suisses hors taxes, soit "dans les 75 à 77.000 euros chez les détaillants", précise M. Cerrato, qui sera le prix "d'entrée de gamme". Il compte ensuite lancer deux autres modèles encore plus chers avec encore plus de complications horlogères.

"On la repositionne sur le fait que c'est un objet unique", explique le quinquagénaire, qui vise une clientèle en quête de montres "rares" et "créativement différentes". "C'est là qu'entrent en jeu les marques indépendantes et ce qui fait leur succès", affirme-t-il.

Mais réussira-t-il son pari? D'après Jon Cox, analyste chez Kepler Cheuvreux, le marché est en tout cas porteur, et si le "produit est juste" et que son prix "ne chute pas dramatiquement sur le marché secondaire", alors ces marques haut de gamme peuvent "très bien se porter".

Lors des dernières enchères d'automne à Genève, les prix des montres fabriquées par des horlogers indépendants avaient battu des records face à l'engouement des collectionneurs pour des modèles pointus.

afp/rp