Les deux géants de l'agroalimentaire ont publié ce matin leurs résultats annuels. En 2024, le chiffre d'affaires d'Unilever a progressé (+1,9%) par rapport à l'année précédente, tandis que celui de Nestlé a diminué de 1,8%. En données organiques, la croissance de Nestlé est tout de même positive (+2,2%) mais c'est la plus faible depuis 20 ans.
Des chiffres qui reflètent bien la dynamique des deux titres. En 2024, Unilever a gagné environ 20% pendant que Nestlé a connu une baisse du même ordre. Le géant suisse est même en baisse de 40% depuis son point haut début 2022. Un parcours qui remet en cause son statut auprès des investisseurs ; Nestlé étant historiquement l'emblème des valeurs dites de fond de portefeuille.
La chute de Nestlé
Comme nous le rappelions dans un article récent, Nestlé est rattrapé par la réalité. Celle d'un chiffre d'affaires et d'un résultat net inférieurs aux niveaux de 2019. Nestlé paye la stratégie de la précédente direction, sous la houlette de Mark Schneider. Pour tenir des niveaux de marge déraisonnables, l'entreprise de Vevey rognait sur les budgets marketing et misait tout sur les hausses de prix. Une stratégie que le retour de l'inflation a fait exploser en vol. Les consommateurs se sont détournés des produits de grandes marques - qui composent le portefeuille de Nestlé - et se sont reportés vers des marques distributeurs, quand ils n'ont pas tout simplement réduit leurs achats alimentaires.
De plus, le retour aux actionnaires a été trop généreux depuis dix ans. Sur cette période, la somme des dividendes et des rachats d'action a été plus importante que les profits. Une volonté de choyer les investisseurs qui a nettement dégradé la situation financière. Ainsi, la dette nette approche désormais le seuil de 3x l'EBITDA.
Pour redresser le cours de l'action, l'actuel directeur général, Laurent Freixe, qui a pris ses fonctions en septembre dernier, doit maintenant mettre en œuvre le plan présenté en novembre, dont le principal objectif est de relancer les volumes de ventes. Cela passera par une reprise des investissements en publicité et marketing et un plan de réduction des coûts.
La stratégie payante d’Unilever
Depuis quelques années, les grandes entreprises de l'agro-alimentaire font toutes face à un environnement économique difficile (inflation, perturbations du commerce mondial, tensions sur certaines matières premières…). Mais Unilever a su tirer son épingle du jeu. Entre 2020 et 2024, le chiffre d'affaires a progressé de 19,5%, quand il n'a augmenté que de 7,7 % chez Nestlé.
C'est surtout la stratégie de recentrage qui a été payante. Le remaniement du portefeuille, entamé sous la direction du PDG Hein Schumacher, vise à se concentrer sur les 30 principales marques, et donc à se séparer des activités moins performantes. Cette approche a permis d'améliorer l'efficacité opérationnelle et de renforcer la rentabilité.
Les résultats de cette stratégie sont visibles dans les chiffres de l'exercice 2024. La croissance des volumes des "Power Brands" (+3,8%) a ainsi tiré celle de l'ensemble du groupe. Pour rappel, ces marques comme Dove ou Rexona représentent plus de 75% du chiffre d'affaires. En 2025, Unilever va poursuivre cette stratégie de recentrage avec l'introduction en Bourse de l'activité de crèmes glacées.
Malgré tout, les dynamiques de ces deux entreprises sont probablement déjà dans les prix. C'est en tout cas ce que suggère la réaction du marché à ces publications. Unilever est en baisse de 6% à la Bourse de Londres. Les analystes estiment que les perspectives 2025 soulignent la lenteur du début de l'année. De son côté, Nestlé est en hausse de 5% à Zurich, sur fond de relèvement du dividende et de maintien des objectifs pour l'année en cours.