Genève (awp) - Nestlé veut investir 3,2 milliards de francs suisses pour parvenir à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Mais jugé contradictoire ou insuffisant, le plan détaillé par la multinationale veveysane ne parvient pas à convaincre certaines ONG et scientifiques.

Le paquebot alimentaire helvétique a émis 113 millions de tonnes équivalent CO2 en 2018, ce qui correspond à plus du double de l'émission de gaz à effet de serre (GES) de la Suisse toute entière la même année, selon les chiffres de l'Office fédéral de l'environnement.

Dans un contexte d'indignation croissante face aux dégâts environnementaux et au débat qu'a provoqué l'initiative multinationales responsables en Suisse, les enjeux pour Nestlé sont cruciaux.

Il faut notamment, selon le patron du groupe Mark Schneider lors d'une conférence de presse, "rester pertinent face aux consommateurs du futur", ceux qui interrogent toujours plus l'origine et l'impact des produits qu'ils achètent.

Le réchauffement climatique est aussi "l'un des plus grands risques" auquel l'entreprise devra faire face, d'après un communiqué publié par Nestlé jeudi.

"Leurs activités ne sont pas durables et sont elles-mêmes menacées par la baisse de l'offre d'énergies fossiles, par le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité", confirme Dominique Bourg, professeur honoraire à la faculté des géosciences et de l'environnement de l'université de Lausanne.

Face à ce double enjeu, Nestlé met donc les bouchées doubles. Sur les 92 millions de tonnes équivalents CO2 définis comme valeur de référence, Nestlé dit vouloir en réduire la moitié d'ici à 2030, en investissant notamment 1,2 milliard de francs suisses dans l'agriculture régénératrice.

Un objectif qui ne convainc pas l'ONG Greenpeace, qui vient d'épingler la multinationale pour son rôle dans la pollution mondiale en plastique. "Cette initiative est positive mais les moyens engagés pour y arriver ne sont pas convaincants, nous avons des doutes", indique Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse.

L'activiste pointe du doigt ce qu'il estime être des demi-mesures. "Au lieu de réduire la production des biens qui sont le plus dangereux pour le climat et la biodiversité, comme les produits carnés et laitiers, Nestlé se contente d'en améliorer les protocoles".

Le lait et le bétail des chaînes d'approvisionnement représentent effectivement plus de la moitié des émissions générées par l'approvisionnement en ingrédients de la société nourricière.

Aucune baisse de la production n'est pourtant envisagée. Selon le communiqué, Nestlé veut même transformer le fonctionnement de l'estomac des ruminants pour éviter l'émission de méthane, un gaz à effet de serre, "notamment par l'utilisation d'additifs et de compléments dans les rations de l'alimentation animale".

Un contresens écologique

Cette initiative, prise dans le cadre du plan onusien "Business Ambition for 1.5°C", n'entachera pas les ambitions de croissance du groupe. Le directeur général Mark Schneider a d'ailleurs tenu à rassurer: la rentabilité en 2021 ne sera pas affectée.

Les investissements réalisés seront financés "grâce à des rendements opérationnels et structurels, afin que cette initiative n'ait pas d'incidence sur les bénéfices", rassure-t-on dans le communiqué.

Pour le professeur Dominique Bourg, c'est un contresens écologique. "Tout ça est contradictoire. La poursuite de la croissance est incompatible avec la baisse des émissions carbone. Il faut nécessairement baisser la consommation d'énergies et donc baisser la production". A la vitesse à laquelle se réchauffe la planète, toute autre entreprise est, aux yeux du scientifique, insuffisante.

Mathias Schlegel, de son côté, estime que "Nestlé est une grande multinationale, elle serait capable d'absorber les pertes éventuelles liées à la réduction de la production de certains produits et du plastique".

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