Washington (awp/afp) - Nestlé et Cargill ont demandé mardi à la Cour suprême des Etats-Unis de mettre un terme à des poursuites qui les visent pour complicité de travail forcé d'enfants dans des plantations de cacao en Côte d'Ivoire.

La haute cour pourrait profiter de ce dossier pour limiter la possibilité de réclamer des dédommagements aux entreprises américaines pour des violations des droits humains commises dans le reste du monde.

Concrètement, six Maliens disent avoir été capturés dans leur enfance puis maintenus en esclavage dans des plantations ivoiriennes, où la filiale américaine du groupe suisse Nestlé et le géant américain du négoce et de la transformation de matières premières agricoles Cargill achetaient du cacao.

En 2005, ils ont porté plainte aux Etats-Unis contre Nestlé USA et Cargill, arguant que les deux entreprises savaient ce qui se passait dans ces exploitations.

Après divers rebondissements, des tribunaux fédéraux ont validé la procédure lancée en vertu d'une loi de 1789, le "Alien Tort Statute", qui permet de saisir les tribunaux civils américains en cas de violations du droit international.

Cette loi, initialement pensée pour lutter contre les actes de piraterie, connaît une nouvelle vie depuis une cinquantaine d'années sous l'impulsion des défenseurs des droits humains.

Mais la Cour suprême a restreint à plusieurs reprises sa portée, interdisant notamment en 2018 les poursuites contre des entreprises étrangères. Nestlé et Cargill lui demandent désormais d'exclure aussi les entreprises américaines, et les actes de "complicité".

Les deux groupes "abhorrent l'esclavage des enfants, mais ce n'est pas le sujet", a plaidé leur avocat Neal Katyal lors d'une audience téléphonique devant la Cour suprême. "Si on n'y prête pas garde, des poursuites de ce type vont proliférer, durer des décennies et porter atteinte à notre politique étrangère".

Le gouvernement de Donald Trump, qui soutenait initialement les plaignants, a opéré un virage en faveur des entreprises. "Une décision qui étendrait la responsabilité civile des individus aux entreprises doit être prise par le Congrès, et pas par les tribunaux", a justifié son avocat Curtis Gannon.

Les deux groupes ont "maintenu le travail forcé d'enfants dans leur chaîne d'approvisionnement pour garder un avantage compétitif sur le marché américain", a dénoncé l'avocat des plaignants Paul Hoffman.

Visiblement désireux de ne pas donner une immunité totale aux entreprises, les neuf sages de la Cour suprême ont semblé mal à l'aise avec l'idée d'une "complicité" dans ce dossier.

Ils doivent rendre leur décision avant la fin juin 2021.

afp/rp