Genève (awp) - Nestlé Waters s'engage à réduire ses prélèvements dans une nappe souterraine des Vosges menacée d'assèchement. Plusieurs associations ont porté plainte en juin contre le minéralier, filiale de Nestlé, accusé d'exploiter des forages illégaux.

Dans un contexte local tendu, Nestlé Waters a récemment réaffirmé son intention de signer un protocole d'engagement volontaire d'ici la fin de l'année. Celui-ci aura pour objectif de sauver la nappe menacée du grès du Trias inférieur (GTI) en diminuant les prélèvements de l'entreprise. "Nous savons que notre activité crée des impacts", avait reconnu la directrice de Nestlé Waters France, Sophie Dubois.

D'après la direction, il s'agit d'un protocole incluant l'ensemble des acteurs qui pompent l'eau de la nappe: les industriels, comme Nestlé Waters et une fromagerie locale, mais aussi les communes organisées en syndicats d'eau. La filiale de la multinationale veveysane affirme par ailleurs avoir déjà diminué ses prélèvements de 38% entre 2010 et 2019.

Elle ne précise cependant pas le volume exact qu'elle sera prête à concéder dans le futur. "Ce sont des choses qui sont en cours d'évaluation, cela devrait être annoncé d'ici la fin de l'année", a déclaré mercredi à AWP François Negro, directeur des ressources en eau chez Nestlé Waters pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

Associations locales en révolte

"C'est un engagement renouvelé. Nous nous reposons sur la force du collectif et sur une approche holistique", a affirmé Françoise Bresson, directrice de la responsabilité sociétale de l'entreprise.

Certains ne croient pas en cette bonne volonté affichée. Depuis des années, Nestlé Waters se heurte à une opposition locale rangée, organisée en associations d'habitants et de consommateurs. Ces dernières affirment se battre pour sauver la nappe en danger d'assèchement et pour faire respecter la loi sur l'eau de 2006, qui accorde à la population et à son alimentation en eau potable la priorité dans la gestion des ressources en eau.

Certaines de ces associations - Eau88, France Nature Environnement et UFC-Que choisir Vosges - sont allées jusqu'à porter plainte contre Nestlé Waters en juin dernier. Elles reprochent au géant minéralier de ne pas disposer de "toutes les autorisations administratives" pour exploiter neuf forages en service et donc de commercialiser des quantités gigantesques d'eau de manière illégale.

Un article publié en juin par le site français Médiapart cite une étude d'incidence menée en février 2019 et qui montre que l'un de ces forages, "Grande Source Sud", a pompé à lui seul 600'000 mètres cubes d'eau entre 2013 et 2017 pour la marque Vittel. En tout, ce serait plus d'un milliard de litres d'eau pompés sans toutes les autorisations nécessaires.

Dans une enquête de l'émission "Pièces à conviction" diffusée en mai, le directeur de l'usine Nestlé Waters Vosges admet des irrégularités d'autorisations. Interrogée sur la question mardi, la direction a refusé de commenter le dépôt de plainte, affirmant n'avoir pas connaissance de son contenu.

Elle rappelle néanmoins que l'entreprise déclare l'ensemble de ses captages aux autorités publiques et qu'elle débourse 13 millions d'euros (13,8 millions de francs suisses) de taxes par année.

Et de mettre en avant les nombreuses initiatives de Nestlé Waters pour la protection de la biodiversité locale: neutralité carbone en 2022, appel à projets international et réduction des prélèvements sur l'ensemble des nappes autour de Vittel.

"Nestlé a eu droit à des compensations pour avoir baissé ses prélèvements dans la nappe GTI. Les autorités lui ont accordé des autorisations pour de nouveaux forages et au final, elle pompe plus de volumes d'eau qu'avant" dénonce Bernard Schmitt, fondateur du collectif Eau88.

La direction admet profiter de cette compensation, mais souligne que ces nouveaux forages exploitent des nappes sans problèmes de recharge.

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