Peut-on s'attendre à des surprises en 2022 parmi les longs-métrages français sur Netflix ? La data et les algorithmes guident-ils le bureau parisien au moment de choisir les films à produire comme le suggère la légende ? Et enfin, pourquoi Netflix confie-t-il plus de la moitié de ses projets français à des jeunes talents menant des premiers films ? Xuoan Duquesne* a obtenu les confidences du duo Sara May et Gaëlle Mareschi dans cette interview croisée.

1/ Xuoan Duquesne : Quel est le plus grand défi actuel de Netflix vis-à-vis de ses films en France ?

Gaëlle Mareschi : D'un point de vue artistique, nous cherchons des projets ambitieux à produire. Nous voulons défricher des projets qui nous exaltent profondément. Nous en trouvons mais nous aimerions en produire davantage en France, d'où notre implication dès le stade du développement.

Sara May : Notre deuxième enjeu est de répondre à une demande de nos abonnés

de découvrir des histoires très diverses et complémentaires de ce qu'ils peuvent déjà voir. Notre plus grand challenge est de créer une initiative de films français propre à Netflix, où les abonnés se reconnaissent dans nos choix éditoriaux. Le but est de faire de Netflix une destination aussi pour les films. C'est en train de se construire, et cela passe par un élargissement de l'offre. Nous avons beaucoup de genres à explorer. Notre public est très diversifié : certains vont en salles, d'autres y ont peut-être moins accès. L'accès aux œuvres est aujourd'hui diversifié et il faut jouer avec la complémentarité. Notre mission est de répondre à cette demande, notamment grâce à de nouveaux genres.

G.M. : Ce que nous aimons, c'est satisfaire nos abonnés en pérennisant des genres plébiscités (comme l'action), mais aussi en les surprenant que ce soit en produisant le film d'une tête d'affiche comme Dany Boon, ou en allant vers des typologies de films jamais vus dans le cinéma français, comme une comédie futuriste (Bigbug de Jean-Pierre Jeunet) ou un survival (Oxygène).

S.M. : Effectivement, le film Oxygène a été une proposition inédite de science-fiction sur le marché hexagonal. Nous avons également tenté de réintroduire et de dépoussiérer le film d'action à la française, alors que c'était un genre délaissé. Pourtant, on s'est rendu compte qu'il y avait une demande importante en France et à l'international pour ce type de films.

Mélanie Laurent dans Oxygène d'Alexandre Aja.

2/ X.D. : 2022 sera-t-elle une année riche pour les productions françaises Netflix ? Peut-on s'attendre à des surprises ?

G.M. : Oui c'est sûr, 2022 sera une année riche pour Netflix, avec une offre de films très variés !Nous sommes très enthousiastes sur notre lineup. Nous avons produit Bigbug, le nouveau film de Jean-Pierre Jeunet. C'est une surprise car c'est un film atypique, fou, beau, léché et haut en couleur comme seul Jean-Pierre sait le faire. Puis, nous lancerons la nouvelle comédie d'action ambitieuse de Louis Leterrier avec Omar Sy et Laurent Lafitte, Loin du Périph.

S.M. : Nous avons terminé le tournage de Balle perdue 2, un film auquel nous croyons beaucoup ! Le premier Balle Perdue a été l'un des plus grands succès de films non anglo-saxons de l'histoire de Netflix. Nos membres adhèrent à cette proposition d'un film d'action à la française, fait avec des moyens différents. C'est très encourageant pour la production française.

G.M. : Le prochain film de Romain Gavras sortira également cette année. C'est un film pour lequel il prend des risques.

S.M. : Le souhait de Netflix d'explorer de nouveaux genres implique également de faire confiance à une nouvelle génération de scénaristes ou réalisateurs, qui a des histoires différentes à raconter. Ces récits dans des univers qu'on ne connaît pas, en dehors de Paris ou des grandes villes, avec d'autres populations ou problématiques, nous arrivent souvent via des talents qui veulent faire leurs premiers films. Ils ne sont pas formatés pour raconter les mêmes histoires que leurs aînés.

Depuis qu'on a commencé à construire cette offre française, et de façon naturelle et organique, plus de 50 % de nos films sont des premiers films d'un réalisateur ou d'un producteur. Et le plus souvent avec un casting lui aussi jeune et divers. Nous allons continuer dans cette direction.

G.M. : À titre d'exemple, nous allons sortir une adaptation libre des Liaisons Dangereuses, dans un genre qui, historiquement, n'est pas produit en langue française (le genre YA, "Young Adult"). Ce sera donc une proposition originale et moderne, le premier film de la réalisatrice Rachel Suissa, entièrement tourné à Biarritz.

Ramzy Bedia et Stéfi Celma dans Balle Perdue de Guillaume Pierret.

3/ X.D. : Votre approche de la production de films est-elle très locale pour le marché français, ou au contraire, globale et identique, partout dans le monde ? Et quid du prétendu usage de la data pour guider vos choix ?

G.M. : Il y a clairement une spécificité française dans notre façon de développer nos films : nous sommes très proches des auteurs.rices-réalisateurs.rices avec qui nous travaillons, qui ont un interlocuteur unique qui connaît le service où sera lancé le film, ce qui permet de se concentrer pleinement sur l'artistique. Notre objectif est avant tout de plaire à nos abonnés français, puis idéalement de faire voyager nos productions locales à l'international.

S.M. : Le modèle d'acquisition de Netflix est quant à lui un peu plus uniforme partout dans le monde. Nous n'avons pas la même façon d'acheter que les autres diffuseurs. Cela nous garantit qu'il y ait un bon renouvellement et une bonne diversité de l'offre à travers le monde. Tous les mois, nos abonnés doivent percevoir la richesse de notre catalogue. Il faut être coordonné internationalement en acquisition pour que cela marche. Quant à la légende sur la data Netflix qui piloterait nos choix : nous sommes toujours dans une démarche d'acquisition exclusivement humaine. Gaëlle, nos équipes et moi lisons les scénarios, parlons aux talents et creusons nos sillons nous-mêmes. Il n'y a aucun algorithme ni data qui peut systématiser ce travail créatif. C'est impossible. La légende n'est pas vraie.

G.M. : Ce ne sont pas les robots qui travaillent ! (rires)

Les robots de Bigbug de Jean-Pierre Jeunet (sortie le 11 février)

* Xuoan Duquesne est un cinéphile, ancien producteur de courts-métrages, et actuel rédacteur en chef de la Réclame.

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Netflix Inc. published this content on 16 January 2022 and is solely responsible for the information contained therein. Distributed by Public, unedited and unaltered, on 17 January 2022 12:04:21 UTC.