Jean-Christophe Juillard, nous serions entrés depuis 2020 dans une « révolution électrique » qui s’étendrait jusqu’en 2040. Est-ce à dire que la fourniture de câbles n’est plus du tout un marché cyclique ?

"Nous sommes effectivement rentrés dans une 3e révolution électrique, celle de la transition énergétique vers les énergies renouvelables et décarbonnées. Les câbles de la seconde révolution, installés après la seconde guerre mondiale, sont aujourd’hui obsolètes car moins efficaces passée une durée de vie de trente ans, et peu adaptés aux énergies renouvelables. En effet, l’électricité issue des énergies renouvelables, à la différence de l’électricité issue des énergies fossiles, génère de forts pics d’intensité qui usent les câbles. Ce phénomène d’obsolescence concerne l’Europe et l’Amérique du Nord et du Sud et prendra deux décennies à être adressé puisqu’il s’agit de remplacer quelques 80 millions de kilomètre de câbles moyenne tension à horizon 2040, soit l’équivalent des câbles installés aujourd’hui dans le monde.

Dans la haute tension, depuis 7-8 années des « autoroutes» sont déployées entre de grandes régions du monde afin de créer des réseaux d’interconnexion d’énergies renouvelables au gré des saisons, des courants hydrauliques, etc. Sur ce marché, la croissance s’accélère et notre carnet de commandes atteint un niveau record de 7.4 milliards d’euros qui nous offre une visibilité au-delà de 2028. Les deux autres acteurs mondiaux sur ce marché, Prysmian et NKT, connaissent la même situation sur la haute tension avec un carnet de commandes combiné des trois leaders de l’ordre de 35 milliards d’euros. Enfin, sur la basse tension, les cycles sont plus courts donc plus sensibles à la conjoncture, et les produits plus basiques, quoique les normes incendies évoluent. En effet, il s’avère que les câbles électriques sont parfois la cause des incendies électriques, ou du moins de leur propagation. D’où l’exigence croissante de recourir à des câbles plus technologiques, ce sur quoi Nexans concentre ses efforts en proposant davantage des solutions à valeur ajoutée que des produits semblables aux importations en provenance de Chine. Pour résumer, même si Nexans ne resterait pas insensible à une récession mondiale, la visibilité du marché de l’électrification nous permet d’envisager sereinement une croissance régulière et rentable au-delà de la décennie en cours."

(source : présentation de la société le 19 février 2025)

Que faut-il retenir des résultats 2024 de Nexans et des perspectives 2025 du Groupe ?

"2024 est la dernière année de l’equity story 2021-2024 annonçant un recentrage sur l’électrification (sortie des câbles pour l’automobile, l’industrie, les télécoms…) combiné à une amélioration très significative des ratios financiers. Sur la rotation des actifs, nous sommes très avancés sur les cessions mais il faudra probablement attendre fin 2025 voire début 2026 pour réaliser la cession des 1.7Md€ de CA restant. En revanche, nous avons été très actifs en matière d’acquisitions dans l’électrification avec notamment l’acquisition de la société italienne La Triveneta Cavi qui, en plus de notre acquisition en Colombie et en Finlande, représente un chiffre d’affaires supplémentaire dans l’Electrification de 1.3Md€.  Concernant l’amélioration des ratios financiers, les résultats 2024 montrent que nous avons atteint voir battu des objectifs jugés très ambitieux à l’époque, que ce soit en matière de marge, de rentabilité ou de génération de cash. Nous terminons un nouvel exercice record pour le groupe au-delà des objectifs annoncés lors de notre CMD et pour l’année 2024. Nous avons enregistré une bonne performance en fin d'année avec une hausse de 8,1% du CA au T4, à 1.9Md d'euros. Concernant les perspectives, nous confirmons bien sûr nos objectifs 2028 annoncés en novembre 2024 et visons en 2025 un EBITDA ajusté entre 770 et 850 M€. A plus court terme, nous surveillons de près les cycles économiques régionaux sur la basse tension  notamment en Europe  mais d’autres zones se montrent très dynamiques. Dans la moyenne et la haute tension, les besoins sont tels que la conjoncture a peu d’incidence sur notre trajectoire à court terme."

(source : présentation de la société le 19 février 2025)

Le cours du cuivre a beaucoup progressé ces derniers mois. Quels sont vos atouts dans ce contexte de raréfaction de votre matière première principale ?

"A la différence de nos concurrents qui ont préféré céder leurs activités métallurgiques pour des raisons de ROCE trop faible, Nexans a fait le choix de l’intégration verticale, ce qui couvre 100% de ses besoins en cuivre au travers d’usines métallurgiques localisées en France à Lens, au Pérou, au Canada, et au Chile. Nous nous approvisionnons directement auprès de mines de cuivre avec qui nous avons des contrats d’approvisionnement long-termes dans différentes régions géographiques. Cela nous permet de maîtriser les délais et les prix d’approvisionnement, sachant que la pénurie de matière menace la filière, mais aussi de développer de nouvelles offres plus circulaires et faibles en émissions carbone pour nos clients. D’où notre investissement dans notre usine de Lens dans le recyclage du cuivre, notamment des anciens câbles, afin de passer de 21% en 2024 à 25% de cuivre recyclé dans nos câbles à horizon 2028."

(source : présentation de la société le 19 février 2025)

Le ROCE du Groupe est devenu confortable, de l’ordre de 20%, mais ne progresse plus depuis 2-3 ans. Voyez-vous encore des marges de progression sur cet indicateur ?

"Notre ROCE 2024 ressort à 21%, et aurait atteint 22% hors acquisition de Triveneta Cavi compte tenu de l’importance des goodwill de la cible. Nous annonçons viser plus de 20% dans le cadre de nos objectifs à horizon 2028 sachant que les cessions et acquisitions pourraient limiter l’impact de la hausse des marges projetée sur le périmètre historique. Notre priorité en matière d’acquisition est de poursuivre la consolidation des marchés régionaux du câble basse et moyenne tension, le marché de la haute tension étant déjà concentré autour de trois leaders mondiaux."

Comment comptez-vous réduire la décote de valorisation de Nexans par rapport à ses comparables sectoriels, et notamment par rapport au n°1 mondial Prysmian (décote de l’ordre de 50%) ?

"Notre objectif est de réduire cet écart en continuant de démontrer de manière tangible la création de valeur à long terme pour nos actionnaires. Nous poursuivons notre transformation vers un modèle de pure player intégré et à plus forte valeur ajoutée, en mettant l’accent sur les segments les plus profitables et en optimisant notre structure de coûts. Notre objectif est d’accroître durablement notre marge et notre génération de cash-flow avec un objectif de conversion du FCF >45% en 2028 et un EBITDA de 1.15 M€. Nous avons une feuille de route claire et différenciante, notamment avec notre positionnement unique sur l’électrification et notre recentrage sur nos activités cœur. Nous veillons à une allocation disciplinée du capital, avec une gestion prudente de notre endettement et une politique de retour aux actionnaires attractive, le Conseil d'administration proposera à l'AGM de mai 2025 une nouvelle hausse du dividende à 2,60 € / action."

(source : présentation de la société le 19 février 2025)

 

L’auteur de cet article est actionnaire de l’entreprise à titre personnel