Cette assemblée générale était la première depuis la nomination d’Ivan Espinosa à la tête de Nissan Motor en avril, en remplacement de Makoto Uchida. Cadre de longue date chez Nissan, Espinosa hérite d’une situation financière préoccupante : le titre a perdu environ 36% de sa valeur sur un an, les dividendes ont été suspendus et le groupe a essuyé une perte nette de 4,5 milliards de dollars lors du dernier exercice. Nissan prévoit par ailleurs une perte de 200 milliards de yens (1,38 milliard de dollars) au premier trimestre, sans avancer pour l’heure de prévisions annuelles.
Dans une tentative de redressement, Espinosa a dévoilé un plan drastique de réduction des coûts, prévoyant la fermeture de sept usines et la suppression de 20 000 postes, soit environ 15% des effectifs. Une orientation qui a suscité la colère de certains actionnaires. L’un d’eux a accusé le conseil d’administration de "faire porter la responsabilité sur les salariés de terrain" tout en conservant ses fonctions. D'autres ont critiqué la suppression du dividende, appelant à une réforme du conseil sous peine de voir s’éroder la confiance des investisseurs et des employés.
Plusieurs résolutions, dont certaines émanant d’actionnaires activistes, ont été rejetées lors du vote, bien que les résultats détaillés ne soient pas encore connus. Parmi les propositions refusées figure celle de Strategic Capital, un actionnaire basé à Tokyo, qui demandait à Nissan d’agir sur le cas de sa filiale cotée Nissan Shatai. Cette dernière, détenue à 50% par Nissan, assemble des véhicules pour le groupe. Strategic Capital, qui possède 3,5% de Nissan Shatai et une part minoritaire dans Nissan, plaidait pour une modification des statuts obligeant le constructeur à évaluer chaque année ses relations avec ses filiales cotées et à rendre compte des mesures envisagées.
Le conseil d’administration de Nissan s’est opposé à cette proposition, arguant qu’une telle modification compromettrait sa capacité d’adaptation. Cette position intervient alors que la Bourse de Tokyo et les régulateurs exercent une pression croissante sur les entreprises nippones pour mettre fin aux structures dites de "cotations parent-enfant", jugées préjudiciables aux actionnaires minoritaires et à la gouvernance.
Le cas de Nissan s’inscrit dans un contexte plus large de réformes au sein de l’industrie japonaise. Toyota a récemment annoncé une opération complexe de 33 milliards de dollars pour racheter entièrement sa filiale cotée Toyota Industries. "Toyota a agi parce qu’elle a senti la pression des actionnaires et qu’elle a estimé nécessaire de changer", a déclaré Tsuyoshi Maruki, directeur général de Strategic Capital, dans un entretien accordé la veille. Il espère que Nissan adoptera une posture similaire.