Pékin (awp/afp) - Les incertitudes s'accumulent pour l'Empire du Milieu. Comme attendu, la Chine a vu sa croissance s'essouffler au troisième trimestre, avec une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 4,9%, conséquence de la crise de l'immobilier et des pénuries d'électricité qui pénalisent les entreprises, selon le Bureau national des statistiques.

Ce ralentissement était largement anticipé. Un groupe d'analystes sondés par l'AFP tablait toutefois sur une décélération moins prononcée (5%). Au deuxième trimestre 2021, le PIB du pays avait enregistré une hausse de 7,9% sur un an, après un rebond sur la période janvier-mars (18,3%). Bien que sujet à caution, le chiffre officiel du PIB de la Chine est toujours scruté de près compte tenu du poids du pays dans l'économie mondiale.

D'un trimestre à l'autre, la croissance du géant asiatique progresse de 0,2% seulement, un rythme bien inférieur à celui de la période avril-juin (1,3%) et le plus faible depuis début 2020 quand l'épidémie de Covid-19 avait mis quasi à l'arrêt l'activité en Chine. "Les incertitudes liées à la conjoncture mondiale s'accumulent, tandis que la reprise intérieure reste instable et inégale", a relevé le Bureau national des statistiques (BNS).

Ce ralentissement de la croissance est lié principalement à "des coupures de courant, au rebond épidémique dans certaines régions en août, à des perturbations des chaînes d'approvisionnement et au ralentissement dans l'immobilier", relève pour l'AFP l'analyste Rajiv Biswas, du cabinet IHS Markit.

"Incertitude considérable"

Désormais quasi débarrassée du Covid-19, la Chine voit sa reprise menacée par la forte hausse du coût des matières premières, en particulier du charbon, dont le pays est très dépendant pour alimenter ses centrales électriques. Résultat: les centrales tournent au ralenti, malgré une forte demande, et l'électricité est rationnée, ce qui a fait bondir les coûts de production et pénalisé les entreprises.

En septembre, la production industrielle a ainsi progressé de 3,1% seulement sur un an, un rythme bien moindre que celui enregistré un mois plus tôt (5,3%). Les analystes tablaient certes sur un ralentissement, mais plus modéré (4,5%). Autre point d'inquiétude pour les économistes: les déboires d'Evergrande et une éventuelle faillite de ce géant de l'immobilier.

Ce secteur, qui est traditionnellement l'une des locomotives de l'économie chinoise, a joué un rôle clé pour la reprise post-pandémie. De ce fait, "une incertitude considérable demeure" pour la croissance en fin d'année, soulignait récemment dans une note la banque d'affaires Goldman Sachs.

Une contagion de la crise immobilière au reste de l'économie pourrait coûter "dans le pire scénario" un à deux points de croissance à la Chine, a prévenu la banque UBS. Les autorités ont par ailleurs lancé ces derniers mois une campagne afin de freiner ce qu'elles considèrent comme un développement "désordonné" de l'économie.

Plusieurs secteurs dynamiques (numérique, showbiz, cours de soutien scolaire...) ont été visés, faisant perdre aux firmes dans le collimateur des dizaines de milliards d'euros de valeur boursière. Ce tour de vis a créé de l'incertitude parmi les investisseurs et pesé sur la croissance.

Crainte de l'hiver

Sur le front sanitaire, la Chine a été confrontée cet été à un rebond épidémique, le plus important en termes d'étendue géographique, qui a pénalisé la consommation. La situation est désormais largement maîtrisée. Les ventes de détail, principal indicateur de la consommation, ont malgré tout connu une hausse de 4,4% sur un an en septembre, contre 2,5% en août.

Il s'agit d'un niveau bien supérieur aux prévisions d'analystes (3,3%). Mais l'objectif de "zéro infection" en Chine, avec des quarantaines drastiques dès l'apparition de cas, risque de freiner la reprise, nuance l'analyste de la banque Nomura, Ting Lu.

Le taux de chômage - calculé pour les seuls urbains - s'est affiché en septembre à 4,9%, en baisse de 0,2 point par rapport à août, après un record absolu de 6,2% en février 2020, au plus fort de l'épidémie. Compte tenu du ralentissement économique, ce chiffre "laisse perplexe", relève l'économiste Zhang Zhiwei, chez Pinpoint Asset Management. Toujours est-il que la baisse du chômage ne va "pas inciter" Pékin à lancer des mesures pour relancer l'économie, croit savoir M. Zhang.

Quant à l'investissement en capital fixe, sa croissance a fortement ralenti sur les neuf premiers mois de l'année, à 7,3%, selon le BNS. Officiellement, le gouvernement chinois vise un objectif de croissance du PIB d'au moins 6% cette année. Le Fonds monétaire international (FMI) table quant à lui sur une hausse de 8%.

"Mais les perspectives s'annoncent difficiles pour le quatrième trimestre", prévient M. Biswas. "Les pénuries d'électricité sont amenées à se poursuivre en hiver", une saison qui voit traditionnellement un pic de consommation.

afp/vj