Pour justifier ce qui s'apparente à un retrait tactique, sa présidente, Janet Yellen, a reconnu lors d'une conférence de presse que l'évolution récente de la situation économique internationale avait forcé la main de la banque centrale la plus puissante du monde.

L'économie américaine se porte suffisamment bien pour supporter et justifier une hausse de taux, a-t-elle expliqué, "et nous prévoyons que cela restera le cas". Mais elle a ajouté que "les perspectives à l'international semblent être devenues plus incertaines", avec pour conséquences récentes une baisse de Wall Street, une hausse du dollar et un resserrement des conditions de financement susceptibles de freiner la croissance américaine.

"A la lumière de l'incertitude accrue à l'étranger, (...) le comité a jugé approprié d'attendre", a poursuivi Janet Yellen. "Etant donné l'interdépendance économique et financière élevée entre les Etats-Unis et le reste du monde, la situation à l'étranger mérite une surveillance attentive."

Le communiqué publié à l'issue de la réunion du comité de politique monétaire mentionne lui aussi l'impact de la situation internationale, devenue une variable clé de la réflexion de la Fed au-delà des seuls données économiques américaines.

"Les récents développements de l'économie et des marchés financiers mondiaux pourraient peser quelque peu sur l'activité économique et sont susceptibles d'exercer une pression baissière supplémentaire sur l'inflation à moyen terme", explique-t-il.

UNE HAUSSE DE TAUX EN 2015 RESTE POSSIBLE

La Fed maintient toutefois son biais en faveur d'une hausse de taux d'ici la fin de l'année, tout en abaissant ses perspectives à long terme pour l'économie. Et lors de sa conférence de presse, Janet Yellen a laissé entendre qu'une hausse de taux le mois prochain n'était pas exclue.

"Comme je l'ai dit précédemment, chaque réunion est une réunion (...) où le comité peut prendre la décision de changer notre objectif pour le taux des fonds fédéraux", a-t-elle dit.

La prochaine réunion de politique monétaire aura lieu les 27 et 28 octobre, la dernière de l'année les 15 et 16 décembre.

Le dollar a cédé du terrain après les annonces de la Fed, l'euro remontant à plus de 1,14 dollar. Wall Street a fini sur une note faible, l'indice Dow Jones et le Standard & Poor's-500 cédant du terrain tandis que le Nasdaq limitait sa hausse à 0,1%.

Sur le marché obligataire, le rendement des Treasuries à deux ans a accusé sa plus forte baisse en une seule séance depuis six ans et demi pour revenir à 0,69%.

Les nouvelles projections économiques de la banque centrale montrent que 13 des 17 membres du comité s'attendent à au moins une hausse de taux en 2015 contre 15 lors de la précédente réunion au mois de juin.

Quatre membres du comité estiment désormais que les taux ne devraient pas être relevés avant au moins 2016, contre deux qui étaient de cet avis en juin.

Avant d'entamer le relèvement de ses taux, a répété la Fed, le comité de politique monétaire souhaite constater "une amélioration supplémentaire du marché du travail" et être "raisonnablement confiante" dans la remontée de l'inflation vers son objectif de 2%.

LE RETOUR DE L'INFLATION À 2% PRÉVU POUR 2018

La médiane des projections des 17 principaux responsables de l'institution donne une croissance de 2,1% cette année, contre 1,9% prévu en juin, mais elle a reculé à 2,3% contre 2,5% pour 2016 et 2,2% contre 2,3% pour 2017.

Le taux d'inflation de base ("core PCE"), lui, est désormais attendu à 1,4% pour 2015 (contre 1,3% dans les prévisions de juin), 1,7% pour 2016 (contre 1,8%) et 1,9% pour 2017 (contre 2,0%).

Le chômage devrait parallèlement revenir à 5,0% cette année et 4,8% sur chacune des trois prochaines années.

Logiquement, la trajectoire projetée des taux d'intérêt s'est elle aussi tassée, le taux des fonds fédéraux étant désormais prévu à 3,5% à long terme, soit un quart de point de moins qu'en juin.

"La Fed est devenue plus 'colombe' avec la révision à la baisse des prévisions de croissance sur fond de craintes d'une 'stagnation durable'. Mais il y a un signal clair montrant qu'en l'absence de tout déraillement grave de l'économie, les taux monteront avant la fin de l'année", estime Chris Williamson, économiste du cabinet Markit.

Le statu quo a été voté jeudi par neuf voix contre une, seul Jeffrey Lacker, le président de la Fed de Richmond, l'un des "faucons" du comité, s'étant prononcé contre.

D'autres membres du comité de politique monétaire, comme Jerome Powell et Dennis Lockhart, avaient publiquement exprimé ces derniers mois leur préférence pour un relèvement des taux en septembre, faisant basculer la majorité au sein du Federal Open Market Committee (FOMC).

Mais au final, le caractère mitigé du climat économique, marqué certes par un chômage bas et une croissance économique régulière mais aussi par l'absence de tout signe de remontée de l'inflation, semble avoir fait pencher la balance en faveur du statu quo.

(avec David Chance; Marc Joanny et Marc Angrand pour le service français)

par Howard Schneider et Ann Saphir