Zurich (awp) - Novartis a conclu avec le laboratoire radiopharmaceutique Advanced Accelerator Applications (AAA) un accord de principe sur le rachat de ce dernier. L'acquisition doit renforcer le portefeuille oncologique du mastodonte pharmaceutique rhénan avec notamment l'adjonction du Lutathera, récemment approuvé en Europe et en cours d'examen aux Etats-Unis. L'offre de Novartis, soumise à conditions, comprend 41 USD par action ordinaire et 82 USD par American depositary share.

Le projet valorise AAA à 3,9 mrd USD, précise un communiqué lundi. Les revenus du groupe se sont montés à 109 mio EUR l'an dernier et à 69,2 mio EUR au premier semestre de 2017.

Les analystes se montrent partagés sur l'opération, certains la jugeant stratégiquement bien conçue alors que d'autres l'estiment onéreuse, voire inutile.

La société de placement spécialisée HBM Healthcare Investments se réjouit en revanche franchement de la soudaine plus-value de sa plus importante exposition. L'investissement dans AAA représentait au 15 octobre près de 15% des actifs nets du groupe zougois et était alors valorisé à 164,9 mio USD. Le prix proposé par Novartis vient étoffer ce montant de 31,9 mio USD. HBM rappelle avoir acquis 3,5 mio de titres AAA depuis 2014, notamment lors de l'introduction de celui-ci sur le Nasdaq en 2015, pour un montant moyen de 11,66 USD chacun.

PREMIERS PAS COMMERCIAUX EN VUE

Sur le point d'être commercialisé, le Lutathera a démontré en étude de phase III une réduction de 79% du risque de progression de la maladie ou de décès chez les patients atteint de certaines formes de tumeurs endocriniennes gastroentéropancréatiques, par rapport au standard thérapeutique antécédent.

Outre le Lutathera (lutétium LU 177 dotatate), destiné au traitement de tumeurs endocriniennes, l'AAA dispose d'outils de diagnostique tels le Netspot et le Somatokit Toc.

AAA précise pour sa part que l'offre de Novartis représente une prime de 47% sur son cours pondéré moyen des 30 derniers jours de négoce sur le Nasdaq.

Novartis prévoit de financer l'acquisition intégralement en liquide, par le biais d'un endettement sur le court et long terme. Les membres de la direction et du conseil d'administration d'AAA se sont d'ores et déjà engagés à présenter les titres qu'ils détiennent dans leur entreprise.

DES AVIS À TOUT VA

L'acquisition d'AAA illustre parfaitement l'accent exercé par Novartis sur le segment oncologique, reconnaît Vontobel dans un commentaire. La banque privée juge en revanche que sur la base des 195 mio USD de revenus estimés pour le laboratoire hexagonal en 2018, le prix à payer apparaît surfait.

UBS soupçonne pour sa part Novartis de vouloir avant tout faire main basse sur le Lutathera, fraîchement homologué en Europe et en cours d'examen aux Etats-Unis. Ce médicament complèterait la franchise du mastodonte bâlois dans les tumeurs endocriniennes, contre lesquelles il commercialise déjà le Sandostatin et l'Afinitor, relève la banque aux trois clés.

Baader Helvea doute pour sa part que l'opération aura un quelconque impact sur la croissance de Novartis ou l'appréciation par les marchés financiers de la puissance de feu du colosse pharmaceutique en matière d'acquisitions. L'établissement anticipe un remplacement du Sandostatin par le Lutathera, qu'il perçoit comme technologiquement supérieur et rappelle que si le premier a généré l'an dernier des revenus de 1,6 mrd USD, le second dispose d'un potentiel annuel de jusqu'à 2 mrd USD.

Le courtier genevois rappelle que la médecine nucléaire tire traditionnellement 90% de ses recettes dans le domaine du diagnostique et 10% seulement dans le domaine thérapeutique, en raison des effets secondaires de l'administration de substances radioactives. Le potentiel d'extension de la technologie développée par AAA dans le portefeuille de Novartis s'en trouve conséquemment plafonné, poursuit l'analyste.

Natixis s'interroge sur l'avenir des activités de diagnostique d'AAA, dans la mesure où Novartis s'est désengagé de ce segment il y a plusieurs années déjà. La perplexité de la banque française est d'autant plus marquée que le Lutathera ne pourra être prescrit qu'en combinaison avec le Sandostatin, un produit que Novartis jugeait jusqu'à récemment en fin de cycle.

L'analyste doute enfin du potentiel réel du Lutathera, qui devra composer avec la concurrence établie du Somatuline, produit par l'américain Ipsen et nécessitant une logistique moins complexe.

A la Bourse, l'action Novartis a terminé en hausse de 0,7% à 81,60 CHF, dans un SMI en baisse de 0,09%.

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