New York (awp/afp) - L'action du spécialiste des semi-conducteurs Nvidia a connu, depuis 15 mois, une trajectoire boursière météorique, pour devenir la quatrième capitalisation mondiale, une envolée qui n'a rien d'une bulle, à en croire le marché.

Entre la veille du lancement de ChatGPT, le 30 novembre 2022, qui a déclenché la vogue de l'intelligence artificielle (IA) dite générative, et vendredi, le prix du titre du groupe de Santa Clara (Californie) a été multiplié par cinq.

Le 23 février, Nvidia a franchi le seuil symbolique de 2.000 milliards de dollars de valorisation, une altitude que seuls Microsoft, Apple et le pétrolier Saudi Aramco ont connue.

Un parcours frénétique, pour une entreprise qui ne figure même pas parmi les 150 premières au monde en fonction du chiffre d'affaires, et à peine dans le top 1.000 au nombre d'employés.

Sur le papier, ce coup de chaud rappelle les grandes heures de la bulle internet, qui avaient notamment vu l'action du géant des réseaux de communication Cisco multipliée par huit en 18 mois, au point de devenir, durant quelques minutes, la première capitalisation de la planète, fin mars 2000.

"Sur l'intelligence artificielle en générale, certains s'emballent un peu sur les valorisations. Mais pour Nvidia, c'est justifié par les fondamentaux" de l'entreprise, avance Angelo Zino, analyste de CFRA.

"Il n'y a pas le côté artificiel qu'il y a eu à d'autres époques dans le secteur technologique", estime-t-il.

Le bénéfice net annuel a grimpé davantage (+581% sur un an) que le titre, rappelle Larry Tentarelli, du cabinet de recherche Blue Chip Daily Trend Report.

Pour les analystes de Wedbush Securities, le parallèle pertinent n'est pas à faire avec 1999 et l'éclatement de la bulle internet, mais plutôt 1995, période de l'éclosion d'internet.

Aux racines du succès de cette société trentenaire, les processeurs graphiques ou cartes graphiques, appelés GPU (graphics processing unit), des puces à la capacité de calcul très supérieure aux microprocesseurs classiques (CPU).

Plus haut qu'Apple ?

Mis au point initialement pour améliorer la qualité graphique des jeux vidéo, ils se sont révélés indispensables pour développer les grands modèles de langage (LLM) qui sont à la base des interfaces d'IA générative comme ChatGPT.

Les concurrents de Nvidia se sont lancés à sa poursuite, et plusieurs d'entre eux, notamment AMD et Intel, commercialisent déjà leurs propres GPU orientés vers l'IA, tandis qu'Apple, Microsoft ou Amazon ont aussi développé des puces.

Mais Nvidia "a des années d'avance" sur ses compétiteurs, explique Larry Tentarelli.

"En l'état, je pense que le seul risque pour Nvidia est de faire face à des problèmes d'approvisionnement", considère-t-il.

A la différence de ses rivaux Intel, Micron ou Texas Instruments, Nvidia, comme AMD, ne fabrique pas ses propres semi-conducteurs. Il utilise des sous-traitants, principalement le taïwanais TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Co).

Un point de vulnérabilité potentielle pour le géant vert (la couleur de son logo), mais Larry Tentarelli n'attribue qu'une probabilité très faible au scénario d'une crise géopolitique.

Pour l'instant, fait valoir Angelo Zino, le modèle économique de Nvidia, sans site de production, est davantage une force qu'une faiblesse car il lui permet de générer des marges plus élevées et d'ajuster plus facilement ses volumes en fonction de la demande.

Quand ils scrutent l'horizon, les investisseurs ne voient aucun signe de ralentissement de la demande d'équipement en IA, bien au contraire.

"La révolution de l'IA démarre avec Nvidia", assure Wedbush Securities. "La fête ne fait que commencer."

Les analystes tablent, en moyenne, sur un bénéfice encore quasiment doublé cette année par rapport à 2023 (+88%).

"Si Nvidia reste sur le rythme de croissance que prévoit le marché", anticipe Larry Tantarelli, "il est possible que, d'ici deux ans, peut-être avant, ils dépassent la capitalisation d'Apple".

Quant à devenir la première valorisation mondiale, la marche est haute, dit-il, "car Microsoft fait aussi du très bon travail" sur l'IA.

afp/al