Le géant des semi-conducteurs, Nvidia, a indiqué mardi que les autorités américaines l’avaient informé dès le 9 avril que sa puce H20, conçue spécifiquement pour le marché chinois, serait désormais soumise à l’obtention d’une licence d’exportation.
Cette mesure s’inscrit dans le prolongement des efforts de Washington pour freiner l’accès de la Chine aux semi-conducteurs de pointe, dans le but de préserver son avance technologique en matière d’intelligence artificielle.
D’après les sources, plusieurs grandes entreprises chinoises du cloud, qui s’attendaient encore à recevoir les livraisons de la puce H20 d’ici la fin de l’année, n’étaient pas au courant de ces nouvelles restrictions. Même l’équipe commerciale de Nvidia en Chine aurait été tenue à l’écart jusqu’à l’annonce publique. Les sources ont requis l’anonymat en raison de la sensibilité du sujet.
Dans un communiqué publié mercredi, Nvidia a déclaré qu’elle respectait strictement la législation américaine sur les exportations. “Le gouvernement américain dicte aux entreprises américaines ce qu’elles peuvent vendre et à qui, nous suivons à la lettre les directives du gouvernement”, a précisé l’entreprise.
De nombreux oubliés
Ces nouvelles restrictions mettent en péril les activités de Nvidia en Chine, l’un de ses plus gros marchés. Depuis le début de l’année, Nvidia aurait enregistré pour 18 milliards de dollars de commandes de puces H20, selon deux des sources citées.
L’année dernière, la Chine a généré 17 milliards de dollars de revenus pour Nvidia, soit 13% de son chiffre d’affaires total pour l’exercice clos le 26 janvier.
Mardi, après l’annonce de la nouvelle réglementation, l’action Nvidia a chuté de 6% dans les échanges hors séance. L’entreprise a précisé qu’elle s’attendait à enregistrer jusqu’à 5,5 milliards de dollars de charges au premier trimestre, qui s’achève le 27 avril, en raison de ces nouvelles exigences. Ces charges concernent les stocks, les engagements d’achat et les provisions liées aux produits H20.
Des géants technologiques chinois comme Tencent, Alibaba et ByteDance, la maison mère de TikTok, avaient intensifié leurs commandes de puces H20 en réponse à la demande croissante pour des modèles d’IA plus abordables, notamment de la part de jeunes pousses comme DeepSeek, selon un précédent article de Reuters en février. En Bourse, les actions d’Alibaba ont reculé de 4,1 % et celles de Tencent de 1,8 % mercredi à Hong Kong.
La puce H20 est à ce jour le composant le plus avancé que Nvidia est autorisé à vendre en Chine, après un durcissement des règles américaines intervenu en octobre 2023. Depuis 2022, Washington interdit l’exportation des puces les plus puissantes de Nvidia vers la Chine, craignant que ces technologies ne soient utilisées à des fins militaires.
Vers le développement de la concurrence ?
Pour certains analystes, la restriction sur la H20 pourrait bénéficier aux fabricants chinois de puces d’IA, et notamment à Huawei, qui propose des produits concurrents de ceux de Nvidia.
“En restreignant le système H20, les régulateurs américains poussent de fait les clients chinois de Nvidia vers les puces d’IA de Huawei”, estime Nori Chiou, directeur des investissements chez White Oak Capital Partners à Singapour.
“Les capacités de Huawei en matière de conception de puces et de logiciels devraient progresser rapidement à mesure que l’entreprise gagne en clients et en expérience de développement”, ajoute-t-il.