Nous avons déjà longuement abordé les restrictions américaines sur l’exportation des puces IA, notamment celles de Nvidia, vers la Chine. Sans revenir sur tous les détails, leur objectif est clair : freiner le développement technologique chinois, notamment en IA, que les États-Unis considèrent comme potentiellement dangereux sur le plan militaire. On adhère ou non à ce postulat, mais une chose est sûre : malgré ces restrictions, des IA comme DeepSeek ont vu le jour. Et elle n’est pas seule. Tencent, Alibaba ou Baidu, de nombreuses entreprises chinoises ont lancé leurs propres agents conversationnels, à des niveaux de performance qui posaient question. Désormais, plus de doute possible : ces groupes se sont procuré des semi-conducteurs pourtant censés leur être inaccessibles.

Il y a toujours une solution

C’est ce que la Chine a démontré, encore et encore : il y a toujours une solution. Les entreprises locales ne manquent ni d’ingéniosité, ni de réseaux pour s’octroyer les technologies interdites. Parmi les méthodes désormais bien connues, on retrouve l’achat via sociétés écrans, TSMC avait notamment écopé d’une amende d’un milliard de dollars pour avoir vendu des puces 7 nm à une filiale obscure de Huawei, ou encore la location de serveurs situés à la frontière de Singapour, région dense en infrastructures IA.

Autre technique, tout aussi créative : dans un post très documenté sur les nouvelles puces Huawei (on vous parle de ces puces ici), le cabinet spécialisé SemiAnalysis expliquait comment la firme chinoise réussit à obtenir les très convoitées mémoires HBM (High Bandwidth Memory). Les boîtiers bruts étant interdits d’export, des fournisseurs les encapsulent sommairement avec des processeurs bas de gamme en 16 nm, une pratique parfaitement légale. Il ne reste alors plus qu’à dessouder proprement les deux composants pour extraire la précieuse mémoire.

Plus récemment, The Economist a publié un article fouillé sur le sujet, décrivant un véritable marché gris qui transiterait par Singapour et la Malaisie. Les puces passeraient entre plusieurs sociétés écrans avant d’être revendues en Chine avec une marge de 30 à 50% sur le prix initial. Une arrestation en Malaisie de contrebandiers, combinée à la forte hausse des exportations singapouriennes depuis les restrictions, conforte cette hypothèse.

Vers un durcissement des restrictions ?

Face à ce constat, deux pistes se dessinent. La première, la plus évidente, consiste à renforcer les contrôles. Un élu américain aurait même proposé de rendre traçables les puces de Nvidia pour pouvoir les désactiver si elles se retrouvaient dans des pays interdits. Donald Trump réfléchirait quant à lui à une refonte complète des restrictions, et pourquoi pas à leur suppression pure et simple ?

Cette deuxième option semble étonnante, mais n’est pas à exclure. Avec les discussions en cours entre Washington et Pékin pour détendre un peu l’atmosphère, une levée partielle, voire complète, des restrictions pourrait être présentée comme un geste diplomatique. D’autant que, sur le terrain, Nvidia a déjà reconnu que tracer ou désactiver ses puces a posteriori serait techniquement et légalement complexe. Et la Chine l’a prouvé : quoi qu’il arrive, elle trouvera un moyen de s’approvisionner.

La conclusion de The Economist résume bien l’enjeu : “Si l’Amérique veut garder une longueur d’avance sur la Chine dans la course à l’IA, elle devra innover plus rapidement, plutôt que de sévir plus durement.”