* La taxe a déjà fait baisser les volumes sur Euronext Paris

* Son fondement juridique reposait sur le "transfert de propriété"

* Une hausse jugée peu opportune avant une taxe européenne

PARIS, 11 octobre (Reuters) - Une extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-day votée jeudi en commission par les députés pourrait porter un coup sévère à l'activité de la Bourse de Paris mais risque de se heurter à des obstacles juridiques.

L'amendement au projet de loi de finances 2014 adopté à l'initiative du rapporteur socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée, Christian Eckert, a suscité des critiques des investisseurs comme des intervenants de marché.

Ils s'inquiètent de son impact car les transactions intra-day, initiées et dénouées dans la journée sur un même titre, représentent plus de la moitié du volume traité quotidiennement sur Euronext Paris.

En vigueur depuis 2012 en France, la taxe sur les transactions a un rendement bien moins élevé qu'attendu initialement (600 millions d'euros contre 1,6 milliard prévu selon Christian Eckert), qui tient pour beaucoup à une baisse des volumes traités.

Selon Euronext, les valeurs taxées - les titres de sociétés ayant leur siège social en France et une capitalisation boursière dépassant un milliard d'euros - ont vu leurs volumes de transactions diminuer de 20% depuis l'introduction de la taxe.

Les grands investisseurs ont deux possibilités de substitution, souligne l'opérateur de la Bourse de Paris : la première, pour un institutionnel soumis à des règles d'allocation d'actifs, est d'échanger une action française pour un profil équivalent en Europe, la seconde est d'opérer sur des marchés "complètement opaques" comme ceux des CFD, un produit dérivé, ou des "equity swaps".

"Il ne leur vient pas à l'esprit en voyant ça que c'est le genre de taxe qui détruit la matière taxable", a déclaré sur son compte Twitter Laurent Martin, un investisseur actif sur le réseau social.

VERSION EUROPÉENNE

L'Association française des marchés financiers (Amafi) s'inquiète en outre que l'amendement adopté supprime le "transfert de propriété" d'un titre comme élément principal de l'application de la taxe sur les transactions financières.

"L'acceptabilité de la taxe par les étrangers est liée à son fondement juridique : le transfert de propriété organisé par le droit français d'un titre émis par une entreprise française", a déclaré à Reuters Bertrand de Saint Mars, délégué général adjoint de l'Amafi.

"La transaction seule n'a pas ce caractère indiscutable. Pourquoi deux étrangers qui traitent entre eux hors de France se sentiraient redevables d'une taxe française ?", ajoute-t-il.

"Les flux sur Euronext Paris proviennent majoritairement de l'étranger. Je crains que les recettes baissent plutôt qu'elles n'augmentent".

A ces craintes, s'ajoutent des difficultés techniques, comme celui d'absence de livraison de titres dans les transactions intra-day, qui compliquera le contrôle des déclarations des investisseurs.

Le ministère des Finances n'a pas réagi dans l'immédiat au vote de la commission des Finances, alors qu'une réunion interministérielle se tiendra en début de semaine prochaine sur les amendements adoptés avant que l'Assemblée nationale ne commence mercredi à examiner le projet de budget en séance plénière.

Les professionnels s'interrogent aussi sur l'opportunité d'un durcissement de la taxe française sur les transactions financières, qui n'entrerait en vigueur que le 1er septembre 2014, au moment où une version européenne est en préparation avec le soutien de onze pays, dont la France.

D'autres jugent paradoxal qu'on affaiblisse la Bourse de Paris au moment où le gouvernement veut favoriser l'investissement dans les entreprises et tente par ailleurs de convaincre les banques française de monter une offre de reprise d'Euronext, appelé à quitter le giron du NYSE après la fusion de ce dernier avec l'Intercontinental Exchange (ICE). (voir )

(Yann Le Guernigou, édité par Marc Joanny)