L'annonce a fait l'effet d'une bombe dans le milieu du football: cette nuit, douze clubs de football anglais, espagnols et italiens, parmi les plus puissants et influents du monde du sport, ont officialisé la création d'une Super League européenne, un championnat semi-fermé réservé à l'élite du football du Vieux Continent. Leur objectif commun: concurrencer la Champion's League organisée par l'Union Européenne de Football Association (UEFA) dans le but générer des revenus bien plus importants que ceux perçus actuellement par les compétitions historiques.

Les marchés applaudissent le projet

Ce projet, qui était en préparation depuis plusieurs années, dope le titre des clubs coté en bourse: à Wall Street, Manchester United gagne dans les premiers échanges 8,13% à 17,49 dollars; et la Juventus de Turin, seul club parmi les douze dissidents à être coté en Europe, gagne près de 16% à la bourse de Milan, à 89 centimes par action.

Ces deux équipes sont accompagnées dans cette nouvelle compétition par l'Inter de Milan, le Milan AC, Manchester City, Arsenal, Chelsea, Liverpool, Tottenham, l'Atlético de Madrid, le FC Barcelone, ainsi que le Real Madrid.

"Il est prévu que trois autres clubs se joignent à eux avant la saison inaugurale, qui devrait commencer dès que possible", peut-on lire dans le communiqué des clubs sus mentionnés. Pour l'instant, ces trois clubs ne sont pas encore connus, mais la performance boursière du Borussia Dortmund (+12,72% à 5,98 euros) laisse à penser que les investisseurs espèrent voir l'équipe être intégrée à cette Super League.

De leur côté, selon certaines sources de presse, le Bayern de Munich et le PSG, les deux finalistes de la dernière édition de la Champion's League, auraient été approchés mais ont refusé de participer au projet. L'UEFA les a d'ailleurs remercié publiquement, sans les nommer, dans un communiqué publié hier peu avant l'annonce officielle de la création de la nouvelle compétition.

Un fonctionnement quasiment fermé

Les quinze clubs fondateurs de cette Super League auraient droit à un ticket permanent pour cette Super League, alors que cinq équipes supplémentaires y seraient qualifiées en fonctions de leurs résultats sportifs de la saison précédente. Les matches débuteraient au mois d'août et auraient lieu en milieu de semaine, les clubs concernés continuant de participer à leurs championnats respectifs comme cela est déjà le cas avec la Champion's League.

La première phase se déroulerait avec deux poules de dix équipes, jouant des matches allers-retours, et les trois premiers de chaque poule rejoindraient automatiquement les quarts de finale. Les quatrièmes et cinquièmes joueraient alors un tour supplémentaire pour les départager.

La banque JPMorgan engagée à hauteur de 3,5 milliards d'euros

"Le nouveau tournoi annuel apportera une croissance économique nettement plus importante et un soutien au football européen grâce à un engagement à long terme de paiements de solidarité non plafonnés qui augmenteront en fonction des revenus du championnat", se sont félicités les douze clubs.

Ils s'attendent en effet à percevoir 3,5 milliards d'euros "uniquement pour soutenir leurs plans d'investissement en infrastructures et pour compenser l'impact de la pandémie de covid", poursuit le communiqué, en échange de leur engagement à respecter un "cadre de dépenses". A titre de comparaison, l'ensemble des compétitions organisées par l'UEFA (Ligue des champions, Ligue Europa et Supercoupe d'Europe) ont généré 3,2 milliards d'euros de recettes télévisuelles pour la saison 2018-2019, avant la catastrophe économique qu'a représenté la pandémie pour le sport.

Confirmant les informations de l'agence de presse Bloomberg, la banque JPMorgan a annoncé soutenir financièrement cette Super League. Bloomberg parle d'une enveloppe pouvant de 3,5 à 4 milliards d'euros sur une période de 23 ans, pour un taux de 2% à 3%. "L'investissement, actuellement financé par JPMorgan, pourrait être proposé aux investisseurs à une date ultérieure", ajoute l'agence.

Berenberg y voit des implications mitigées

L'analyste de marché Berenberg a estimé que la mention d'un "cadre de dépenses" et d'une "base financière durable" dans le communiqué représentait une tentative des clubs pour "améliorer la rentabilité à partir des revenus supplémentaires générés". Il ajoute que "l'omission de la menace de relégation et la rumeur de revenus limités liés aux performances sportives réduiraient quelque peu la pression pour dépenser afin de recruter les meilleurs joueurs".

Berenberg affirme également que les implications pour les clubs sont mitigées: "pour les grands clubs comme la Juventus et le Borussia Dortmund, il y a une nette pression à la hausse sur le potentiel de génération de revenus du football européen. Pour les plus petits clubs comme l'Ajax et l'Olympique Lyonnais, le risque est de ne pas pouvoir participer à une telle ligue, ce qui réduirait leur potentiel de génération de revenus étant donné que toute compétition européenne à laquelle ils participeraient serait moins attrayante pour les médias en raison de l'absence des équipes de Super League".

Ceci explique en grande partie la morne performance de ces deux clubs en bourse aujourd'hui: l'Olympique Lyonnais cède en effet 1,26% à 2,35 euros, pendant que l'Ajax d'Amsterdam n'avance que de 0,63% à 15,90 euros.

L'UEFA menace les clubs sécessionnistes

Cette Super League, qui suscite l'ire de nombre d'acteurs du football européen. En particulier l'UEFA, qui, dans son communiqué publié juste avant l'annonce officielle de la création de la Super League, parle de "projet cynique" et menace les clubs sécessionnistes d'exclusion de toute compétition, voire de poursuites judiciaires. Son président, Aleksander Ceferin, en a rajouté une couche aujourd'hui en déclarant que les joueurs qui prendront part à cette nouvelle compétition devront être exclus de leurs équipes nationales.

En réponse à la Super League, la fédération européenne de football a par ailleurs adopté ce lundi le nouveau format de la Champion's League à partir de la saison 2024-2025: celui-ci prévoit le passage à un mini-championnat comprenant 36 équipes, pour un total de 225 matches en phase de poules.