Divisée par deux en quatre ans, la valorisation de Orsted s’est effondrée depuis les plus-hauts atteints pendant la pandémie. L’effet croisé de la remontée des coûts de financement et de la réduction des programmes de subventions aura été brutale pour le développeur : déjà précaire dans l’absolu, la rentabilité de ses projets se trouvait subitement compromise.
Le marché en Europe du Nord reste néanmoins porteur, tant les conditions géologiques et météorologiques y sont exceptionnelles, même uniques au monde. En revanche, le marché nord-américain et son maelström économico-juridique rend les appels d’offres supérieurement ardus. Ceci, sans même évoquer l’insuffisance des infrastructures de réseau qui contraignent les développeurs à consentir d’énormes investissements supplémentaires, dont la magnitude est en réalité impossible à évaluer avec précision.
Déjà difficile à pénétrer dans ces conditions, le marché nord-américain l’est encore davantage avec un prix du gaz naturel structurellement très bas depuis que la production d’hydrocarbures dans les grands bassins du Texas tourne à plein régime. Les alternatives renouvelables onshore sont déjà rarement compétitives face à cette concurrence fiable et low-cost ; hors méga-projets et volonté politique prononcée, l'équation en offshore est tout simplement sans solution.
C’est dans ce contexte que Equinor annonce avoir pris une participation de 9.8% au capital de Orsted. Si la nouvelle fait l’effet d’une bouffée d’oxygène, les actionnaires du danois doivent toutefois tempérer leur enthousiasme, puisque la major norvégienne a expliqué ne pas vouloir dépasser le seuil de 10% du capital.
En réalité, l’opération ressemble davantage à un moyen pour Equinor de s’adjoindre un portefeuille de compétences qui lui faisait défaut. Le norvégien, qui n’a que 1GW de capacité en renouvelables, a promis d’atteindre entre 12GW et 16GW d’ici la fin de la décennie ; le meilleur moyen d’accélérer est encore de mettre sous sa coupe l’expertise d’Orsted.
Cela étant dit, Equinor envoie ici des signaux mixtes au marché. A l’instar de Shell et BP, le norvégien a récemment annoncé réduire la voilure en matière d’investissements dans les renouvelables pour plutôt se concentrer sur son coeur de métier : la production de gaz et de pétrole, incomparablement plus rentable.
Voir à ce sujet Shell : Adieu politiquement correct, publié récemment dans ces mêmes colonnes.
A ce sujet, si Equinor est la grande major la mieux valorisée parmi ses pairs européens et américains, c’est parce que la quasi totalité de ses actifs sont dans son propre pays — accessoirement la juridiction la plus sûre du monde — et qu’il n’existe aucun autre grand bassin de production en Europe. Les majors américaines ont elles aussi de formidables bassins de production sur leur marché domestique, mais elles s’y livrent une concurrence à couteaux tirés.
Pour en revenir à Orsted, il est extrêmement difficile de valoriser le développeur tant les complexités et les aléas de chaque projet en portefeuille sont nombreuses. Tout au plus soulignera-t-on que la valorisation du moment à x8 l’EBITDA est moitié moindre que sa moyenne historique, mais cette dernière est possiblement biaisée par les excès spéculatifs observés pendant la pandémie.
Si l’on se réfère aux distributions de capital aux actionnaires, on note que le groupe a généré en agrégat environ $6 milliards de cash-flows libres sur la dernière décennie, intégralement distribués en dividendes. Ceci est à rapporter à sa capitalisation boursière de $25 milliards, et aussi à un contexte de panne de croissance puisque Orsted réalisait en 2023 un chiffre d’affaires exactement équivalent à celui réalisé en 2014.