Tout est parti de l’annonce, mercredi, de la Commission européenne : à partir du mois prochain, l’UE prévoit de rétablir des taxes sur 26 milliards d’euros de produits américains, en réponse aux droits de douane imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium. Une décision que Bruxelles assure prendre à contrecœur, tout en laissant la porte ouverte aux négociations. "L’augmentation des tarifs ne profite à personne", a souligné la Commission.
Mais Donald Trump, fidèle à son style offensif, n’a pas tardé à répliquer sur Truth Social. Dans une diatribe au ton belliqueux, il a accusé l’UE d’être "l’une des autorités les plus hostiles et abusives en matière de taxation et de tarifs dans le monde" et d’avoir été "formée uniquement pour profiter des États-Unis". Dans son viseur : la taxe européenne de 50% sur le whisky américain, qu’il exige de voir disparaître immédiatement sous peine de représailles.
"Si cette taxe n’est pas retirée, nous appliquerons un tarif de 200% sur tous les vins, champagnes et autres alcools en provenance de France et des autres pays de l’UE", a-t-il martelé, avant d’ajouter, non sans provocation : "Ce sera excellent pour le marché du vin et du champagne aux États-Unis." Une manière de flatter les producteurs locaux, tout en agitant la menace d’un séisme pour les exportateurs européens.
Car l’Union européenne a beaucoup à perdre dans cette escalade. L’an dernier, les exportations de vin vers les États-Unis ont atteint 4,9 milliards d’euros, soit 29% des ventes hors UE du secteur. La France et l’Italie, qui en assurent à elles seules près de 90%, seraient les premières touchées. Un scénario qui n’a pas manqué de faire trembler les marchés : après la déclaration de Trump, les contrats à terme sur les indices américains ont reculé, et les valeurs des grandes maisons de spiritueux européennes ont chuté.
Sur le vieux continent, Davide Campari, Rémy Cointreau et Pernod Ricard perdaient plus de 3% en séance. Des acteurs plus gros, comme LVMH, abandonnaient 1,5%. Quant à certaines petites entreprises spécialisées, elles faisaient elles aussi grise mine : 4% de baisse pour le champenois Lanson-BCC, ou -3% pour le tonnelier TFF Group.
Pour l’heure, Bruxelles joue la montre. La Commission européenne n’a pas immédiatement réagi aux menaces du président américain, mais a confirmé la fin de la suspension des tarifs douaniers sur les produits américains à partir du 1er avril, avec une mise en œuvre complète des taxes dès le 13 avril. Une décision qui ne fait pas l’unanimité en Europe : les industries du spiritueux et des cosmétiques critiquent ouvertement Bruxelles, jugeant ces nouvelles taxes risquées pour un secteur où les échanges avec les États-Unis sont cruciaux.
Outre les alcools, la liste des produits visés par les surtaxes européennes est longue et diversifiée : acier, aluminium, textiles, électroménager, plastiques, mais aussi produits agricoles comme la volaille, le bœuf, les œufs, les produits laitiers, le sucre et les légumes. De quoi durcir encore un peu plus le bras de fer transatlantique.
Reste à savoir si cette surenchère est une simple gesticulation politique ou le prélude à une nouvelle guerre commerciale. Une chose est sûre : à quelques mois des élections américaines, Donald Trump n’a pas fini de jouer la carte du protectionnisme musclé.