par Joseph Nasr et Markus Wacket

BERLIN, 12 mai (Reuters) - La quête par l'Europe de nouveaux fournisseurs de gaz naturels se révèle un peu plus urgente jeudi avec l'annonce par Moscou de nouvelles sanctions visant les filiales européennes du groupe public russe Gazprom et la fermeture par l'Ukraine d'un point de transit sur son territoire.

Les mesures imposées mercredi soir par la Russie visent entre autres Gazprom Germania, une société de négoce, de stockage et de transport que l'Allemagne a placée sous administration fédérale le mois dernier afin d'assurer la continuité de ses approvisionnements.

Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a déclaré que toute relation avec les sociétés visées était interdite et que celles-ci ne pouvaient plus prendre part aux exportations de gaz russe.

Les entreprises dont la liste a été publiée sur un site internet officiel russe sont pour la plupart basées dans des pays qui ont eux-mêmes adopté des sanctions contre Moscou depuis l'invasion de l'Ukraine fin février.

L'Allemagne, premier acheteur de gaz russe en Europe, a déclaré que certaines filiales de Gazprom Germania ne recevaient plus de gaz en raison des sanctions mais qu'elles cherchaient des approvisionnements de substitution.

Parmi les sociétés concernées figurent Astora, l'exploitant du site de stockage de gaz de Rehden, en Basse-Saxe, le plus important d'Allemagne avec une capacité de quatre milliards de mètres cubes, et Wingas, une société de négoce qui fournit des industriels et des collectivités locales.

Wingas a déclaré qu'il poursuivrait ses activités mais qu'il risquait de souffrir de pénuries.

Parmi les fournisseurs alternatifs potentiels figurent ses concurrents directs en Allemagne Uniper, VNG et RWE.

L'ALLEMAGNE DOIT RECONSTITUER SES STOCKS DE GAZ CET ÉTÉ

Gazprom a par ailleurs annoncé jeudi qu'il n'était plus en mesure d'exporter du gaz via la Pologne en utilisant le gazoduc Yamal-Europe, les sanctions russes visant aussi EuRoPol GAZ, la société qui exploite la portion polonaise du réseau.

La Russie a déjà arrêté le mois dernier de fournir du gaz à la Pologne et à la Bulgarie en raison de leur refus d'adopter un nouveau mécanisme de paiement mais la Pologne a depuis pu utiliser une partie du gaz transitant par le réseau Yamal-Europe en bénéficiant des flux revenant d'Allemagne.

En 2021, les pays de l'Union européenne ont acheté au total environ 155 milliards de mètres cubes de gaz naturel extrait en Russie.

Jeudi matin, le cours du gaz néerlandais au terminal TFF, qui sert de référence pour le marché européen, était en hausse de près de 20%.

Le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck, a déclaré que les sanctions russes semblaient précisément conçues pour faire monter les prix mais il a assuré que la baisse attendue de 3% des livraisons de gaz russe pourrait être compensée en recourant à d'autres fournisseurs, même si cela doit se traduire par une hausse des coûts.

Les stocks de gaz de l'Allemagne représentent actuellement près de 40% de leur capacité totale, un niveau relativement bas pour cette période de l'année, et le pays est censé profiter de l'été pour les augmenter autant que possible en prévision de l'hiver.

DOUTES PERSISTANTS SUR LE PAIEMENT EN ROUBLES À MOSCOU

L'annonce des nouvelles sanctions par Moscou est intervenue au lendemain de la fermeture par les autorités ukrainiennes d'un important point de transit de gaz vers l'Europe, justifiée selon Kyiv par l'ingérence des forces d'occupation russes.

Avant la guerre, environ 8% des volumes de gaz russe exportés vers l'Europe transitaient par le point de passage de Sokhranovka, fermé mercredi.

La Commission européenne a néanmoins assuré que cette fermeture ne constituait pas une menace immédiate pour l'approvisionnement de l'UE.

À ces perturbations dans l'acheminement s'ajoutent la confusion persistante liée à la mise en place par Moscou en mars d'un système de paiement en roubles pour les acheteurs de gaz, dont l'utilisation, selon Bruxelles, contreviendrait aux sanctions européennes.

Le directeur financier de RWE, premier producteur d'électricité d'Allemagne, a déclaré jeudi attendre une clarification rapide des autorités fédérales sur le sujet, l'échéance fixée par Moscou pour le passage au nouveau système étant fixée à la fin du mois.

L'adoption de ce nouveau mode de paiement impliquerait l'ouverture de comptes auprès de Gazprombank, filiale financière de Gazprom, ce que refusent pour l'instant la plupart des acheteurs européens de gaz russe.

Un blocage sur ce point pourrait perturber un peu plus l'approvisionnement de l'Europe en général et de l'Allemagne en particulier.

(Reportage Joseph Nasr et Markus Wacket à Berlin, avec Christoph Steitz et Vera Eckert à Francfort, Marek Strzelecki à Varsovie, Thomas Balmforth à Kyiv, Kate Abnett à Bruxelles; version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot)