Frédéric Mey, pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte vous a été confiée la direction de Precia, et quelle orientation stratégique vous êtes en train de donner au groupe ?

"Chez Precia, la gouvernance et la stratégie s’inscrivent dans le long terme. La direction, comme par le passé, a été renouvelée à l’occasion du départ en retraite de la précédente. Quand je suis arrivé en 2022, j’ai fait appel à Yann Le Bail, que je connaissais depuis une vingtaine d’années, pour assurer la direction financière. Fort de mon passé très industriel, dans le secteur de l’aluminium notamment, j’assure une continuité stratégique au niveau de l’internationalisation qui a caractérisé la précédente direction. Depuis mon arrivée, je mets l’accent sur l’excellence opérationnelle et l’enrichissement de nos services autour de la data afin de répondre aux besoins de l’industrie 4.0. Nous cherchons à exploiter les données disponibles chez nos clients pour améliorer nos services, les interfacer avec les systèmes de nos clients, améliorer la maintenance prédictive, etc. Notre plan stratégique se déploie autour de trois verticales en particulier : l’industrie des déchets, l’industrie minière et l’agroalimentaire, de la coopérative à la logistique portuaire. À chacune de ces trois verticales, notre mission est d’offrir des équipements au meilleur prix et des solutions clé en main intégrant plus que du pesage."

(source : société) 

En 2023, Precia a déjà récolté les fruits de vos actions, avec un résultat opérationnel courant record…

"En effet, malgré des coûts non récurrents, nous avons dégagé un ROC de 16M€ dont les principaux contributeurs sont Precia SA, Precia Molen Inde et Precia Molen Service. La liquidation des filiales australiennes et norvégienne déficitaires en 2022 à hauteur de 1 M€ a également facilité le redressement des marges du groupe. A noter la belle performance de Precia Molen UK qui atteint l’équilibre financier. Nous continuons de travailler sur l’excellence opérationnelle avec l’EBIT et le cash comme indicateurs clé."

Vous avez opéré une revue stratégique des filiales. Quels sont les sujets sur la table ?

"Nous nous sommes donné une règle : le groupe n’a pas vocation à supporter des filiales structurellement déficitaires. Malgré certains progrès en 2023, cinq filiales restent des points d’attention : Precia Molen UK, Precia Molen Brésil, Precia Molen USA, Precia Molen Chine et Precia Molen Malaisie. Si nous ne voyons pas comment les redresser rapidement, nous opérerons une mise en sommeil, comme cela sera le cas pour Precia Molen USA. Par ailleurs, une organisation en trois business unit va être mise en place :  équipements, services et projets. Cette dernière adressera des solutions plus larges pour des clients tels que les déchetteries et les installations portuaires. Ce positionnement nous ouvre des marchés de taille plus importante et moins concurrentiels car ils nécessitent plus de matière grise. Nous nous interrogeons sur la place de Creative IT dans cette nouvelle organisation. Cette filiale de logiciel MES (Manufacturing Execution System), qui a fait l’objet d’une dépréciation d’écart d’acquisition en 2023, élargit peut-être un peu trop le spectre de notre offre logiciels."

Quelles sont les tendances en ce début 2024 ?

"La croissance organique sera modérée cette année, en particulier au premier semestre compte tenu du retrait que nous observons sur le marché français sur lequel nous observons actuellement un léger frémissement. Le second semestre devrait surtout bénéficier de la concentration sur la deuxième partie de l’année des livraisons de la part de notre filiale Milviteka qui a dû se repositionner après l’abandon de ses marchés ukrainiens et russes. Nous restons actifs sur le sujet de la croissance externe, avec de possibles concrétisations sur la partie services en Europe. Pour ce qui est de la rentabilité, les actions d’excellence opérationnelle initiées en 2023 continuent à se déployer sur le Groupe, et impacteront positivement le résultat opérationnel du Groupe. La réduction des cycles de fabrication permettra notamment d’améliorer le service de nos clients et de réduire nos stocks. L’objectif d’amélioration du besoin en fin de roulement reste une priorité et les actions pour y arriver vont continuer."

(source : société) 

Quel est l’avenir des solutions de pesage et comment voyez-vous le marché mondial se structurer ?

"Nos clients cherchent des produits innovants, performants mais également durables. Il s’agit donc, tout en préservant la réparabilité des produits et en optimisant leur faible consommation d’énergie, d'intégrer la demande croissante des clients pour de nouvelles fonctionnalités, telles que l’ajout d'écrans tablettes. Cette orientation est clairement reflétée dans les cahiers des charges marketing et techniques et les produits du groupe intègrent de plus en plus la notion d’éco-conception, laquelle passe par la réparabilité, la performance/efficacité énergétique et la préservation des ressources naturelles. Le marché mondial du pesage est caractérisé par un très gros acteur américain dominant certains marchés comme le médical, quelques moyens comme Precia et une quantité très importante de petits acteurs domestiques sans perspectives de transmission. Nous allons donc continuer de consolider ce marché extrêmement atomisé en capitalisant sur la force de notre offre de services. Nous en avons les moyens car notre trésorerie dépasse nos dettes financières, car notre autofinancement est élevé, et que le Groupe dispose de plus de 5% du capital en autocontrôle qui pourra servir à payer en titres tout ou partie des acquisitions."

Panorama concurrentiel de Precia (source : société) 

Le leader mondial Mettler-Toledo a vu sa marge opérationnelle passer de 20% à 30% en l’espace de 10 ans. Est-il envisageable que Precia passe de 10% à 20% dans les 10 prochaines années ?

"Dans un premier temps, nous allons nous employer à maintenir de façon pérenne un niveau de 10% de marge opérationnelle. Mettler-Toledo a la particularité de dominer certains marchés très profitables comme le médical où leurs équipements d’autres fonctions que le pesage : mesure de l’hygrométrie, des moisissures, etc. Ce modèle est une source d’inspiration : nous souhaitons offrir plus que du pesage aux trois verticales stratégiques citées plus haut."

Monsieur et madame Jean Escharavil, petit-fils du fondateur et principal acteur de la saga Precia, ici fier de la cotation en 1985 de Precia au Second Marché de la Bourse de Lyon