30€. Tout rond. C’est le prix proposé par Alpha 20 (holding rassemblant les familles Entremont, Rosnoblet et Union Chimique - ce dernier étant le holding de l’industriel Jean Guittard, qui avait repris la participation les familles Cachat et Wirtz fin 2015) pour racheter les 11,62% d’actions "flottantes" et sortir le titre de la cote.

61,29%. Précisément. C’est la prime, hors norme par rapport aux classiques 20 à 30%, proposée par le concert familial pour réussir une opération financière qui sonne comme un aboutissement d’une succession d’opérations de recentrage et de retours à l’actionnaire entamée en 2018 après une phase d’acquisitions au bilan mitigé qui s’était soldée par un renouvellement du management et une reprise en main par les familles, tant au niveau de la gouvernance que du capital.

Une sortie moins glorieuse qu’il n’y paraît pour cette success-story industrielle et boursière

Car PSB fut longtemps une succès story boursière, un fleuron industriel aux multiples de valorisations hors normes. Notamment sous l’ère Jean-Baptiste Bosson, qui dirigea de conglomérat industriel favori des gérants small cap de 1991 à 2012. La politique de croissance externe agressive menée après son départ fonctionna un temps, avant que le groupe décide d’y mettre fin et se lance dans un recentrage forcé de ses activités comme le retrace ce graphique.

Historique des opérations

Ultime opération de recentrage, la finalisation en janvier dernier de la cession de Plastibell, l’entité de son pôle santé et industrie acquise en 2015, occasionnant une perte exceptionnelle de 6,6 M€. Tout un symbole.

Ces années de scission/cessions ont permis aux actionnaires familiaux de réaliser une partie de leur patrimoine qu’ils ont réinvesti patiemment en montant au capital de PSB jusqu’à très récemment, comme l’indique ce graphique :

Achat de titres par les familles dirigeantes de PSB depuis novembre 2018 (source : pea-performance)

Achat de titres par les familles dirigeantes de PSB depuis novembre 2018 (source : pea-performance)

Pourquoi une telle prime ?

Tout simplement car la société était complètement délaissée en Bourse depuis quelques années et ne reflétait plus la valeur de l’entreprise. Avec un chiffre d’affaires en baisse et des résultats dans le rouge depuis plusieurs années, il eut fallu que les perspectives 2021 soient enthousiasmantes pour créer un déclic auprès des investisseurs. Or, le dernier communiqué des résultats annuels en date du 25 février s’achevait sur des perspectives très mitigées après une année 2020 encore très délicate : « Malgré un contexte sanitaire qui reste incertain et une visibilité 2021 très réduite, fort des mesures 2020, le Groupe anticipe une amélioration progressive de sa profitabilité opérationnelle annuelle dès 2021. »  

Sans compter qu’avec les craintes entourant les pénuries de matières plastique et la baisse des ventes de produits cosmétiques, télétravail et couvre-feu oblige, les investisseurs ont certainement estimé avoir mieux à faire qu’acheter cette affaire et patienter en attenant un retour à meilleur fortune.

Value ou value trap ?

Et pourtant, les faits sont têtus et l’investisseur value de moyen terme avait, et c’est tellement plus facile de l’affirmer après coup, de quoi s’intéresser au dossier. En effet, les familles dirigeantes se renforçaient régulièrement au capital, le groupe était désendetté, les coûts avaient été fortement réduits… Le tout en « maintenant les dépenses indispensables au déploiement du son plan stratégique (SAP, refonte de la stratégie d’offre, direction Opérations, modernisation du traitement de surface et dynamique Eco-conception) » afin de repartir en croissance rentable sur un marché des produits de luxe et de la beauté dont la croissance à moyen long terme fait peu de doutes.

Surtout, la valorisation, pour qui voulait bien oublier les résultats 2020-2021 et se projeter dans quelques années, en misant ne serait-ce que sur une marge opérationnelle de 5% (le groupe a fait beaucoup mieux par le passé), était à la casse à 18.6€. En effet, la valorisation d’une soixantaine de millions d’euros était à mettre en face d’un chiffre d’affaires 2020 de bas de cycle de 150M€ pour un actif net comptable (capitaux propres) de 102.7M€. Sachant que les valeurs d’actifs ont été vigoureusement épurées en 2020.

Or, si les évaluateurs  s’accordent  généralement  pour ne  pas utiliser  les  critères  d’actifs  nets,  sauf  pour des  secteurs  bien  identifiés (immobilier  ou  sociétés  financières  ou  holdings),  il n’en  reste  pas  moins  une  référence  forte de  valorisation et,  issu de  règles  comptables  arrêtées dans une optique de prudence, il a longtemps été considéré comme une "valeur plancher".

Le  concept  d’actif  net  comptable  comme  valeur  minimum  a  bien  entendu  ses limites, notamment lorsque des pertes peuvent être anticipées ou même lorsque la rentabilité des capitaux investis est durablement insuffisante. Mais  cela reste l’exception. Surtout depuis l’introduction des normes IFRS auxquelles répond PSB et qui plus est dans le cadre d’une offre publique qui a pour but d’aboutir à une Offre Publique de Retrait (OPR) suivi d’un Retrait Obligatoire de la cote. C’est-à-dire une expropriation.

En l’espèce, l’offre à 30€ correspond à une prime de l’ordre de 5% sur la valeur nette comptable de PSB au 31/12/2020, ce qui n’est certainement pas un hasard. La probabilité, compte tenu de l’importante de la prime et de la faiblesse du flottant (11.6%) que le concert familial atteigne les 90% du capital requis pour lancer une OPR-RO est donc très élevée.

Les actionnaires de Bel moins bien lotis

Concernant le dossier Bel, que nous évoquions en introduction, la prime est beaucoup moins élevée (16 % sur le cours de clôture du 17 mars 2021 et de 28 % sur le cours moyen pondéré par les volumes des 60 jours précédant le 17 mars 2021) mais le prix proposé dépasse de près de 50% l’actif net comptable et, surtout, l’actionnaire à sortir (Lactalis, 23% du capital) a accepté l’offre et seuls 3% des actions restent à apporter. L’offre a donc toutes les chances d’aboutir également, malgré la légitime déception des porteurs récalcitrants.

Ce sont donc deux nouvelles sorties de la cote parisienne qui se profilent, et pas des moindres puisque l’histoires de ces deux industriels est plus que centenaire. Jamais deux sans trois ? On surveillera Media 6, dont la cotation est suspendue depuis quelques jours et qui pourrait également faire l’objet d’une opération sachant que la famille Vasseur s’est renforcée au capital tout au long d’une année 2020 déprimée en termes d’activité et de cours de Bourse. Dans ce cas, la prime serait également conséquente car Media 6 décote fortement sur ses fonds propres.

Cours de PSB Industries depuis 1997 (données mensuelles, retraitées des dividendes versés)

L'auteur est actionnaire de la société à titre personnel