Douai (awp/afp) - Face au renforcement des normes européennes sur les émissions de CO2, les constructeurs automobiles européens pourraient payer de lourdes compensations, fermer des usines, ou bien augmenter les prix de leurs voitures à essence.
Les constructeurs automobiles doivent respecter une moyenne annuelle d'émissions par voiture vendue en Europe. Cette norme dite CAFE (Corporate Average Fuel Economy) les oblige à vendre progressivement des véhicules de moins en moins polluants.
Elle a été globalement respectée jusqu'ici et la plupart des géants européens du secteur ont confirmé qu'ils resteraient dans les clous en 2024.
Mais le CAFE doit franchir un nouveau palier à partir de janvier 2025, à 93,6 grammes de CO2/km en moyenne (une Renault Clio thermique de base en émet 120 par exemple, une Clio hybride 95 et une Mégane électrique zéro).
"Si les voitures électriques restent à 14% (de parts de marché), il y a deux solutions: soit vous payez des pénalités, soit vous coupez dans les (ventes de voitures) thermiques", expliquait mercredi Josep Maria Recasens, le directeur opérationnel de la filiale électrique de Renault, Ampere.
"Cela veut dire qu'(au niveau de l'industrie) on va devoir produire 2,5 millions de voitures en moins (par an), fermer 7 ou 8 usines en Europe" parmi celles qui fabriquent des véhicules thermiques, expliquait M. Recasens depuis l'usine Ampere de Douai (nord de la France).
Financer les ennemis
Les ventes de voitures électriques ont commencé à ralentir en Europe depuis la fin 2023. Elles représentaient 13,1% des voitures neuves écoulées entre janvier et septembre 2024.
Et les constructeurs chinois pourraient compliquer la donne en prenant des parts de marché aux Européens sur les électriques, malgré les barrières douanières.
Le CAFE pourrait ainsi devenir amer pour les constructeurs: si les ventes de modèles électriques n'accélèrent pas vite et fort, ils pourraient risquer environ 50 milliards d'euros de pénalités sur la période 2025-2029, selon les calculs du cabinet Alix Partners.
Une autre option serait d'acheter des crédits d'émissions à des constructeurs moins polluants comme Tesla ou Volvo, ainsi que l'ont fait Honda ou Jaguar par le passé. Mais "ça reviendrait à financer mes ennemis", s'est désolé mercredi un dirigeant de Renault.
"Le levier principal sera d'améliorer la performance (environnementale) des véhicules thermiques", par exemple en remplaçant la boîte de vitesse manuelle par une automatique, a souligné Alexandre Marian d'Alix Partners.
Les constructeurs pourront aussi augmenter le prix des thermiques pour compenser l'écart avec des électriques encore bien chères à l'achat, ce qui réduira de facto leurs volumes de production, souligne M. Marian.
Casser les prix
Renault compte sur une offre électrique renouvelée (R4, R5) et proposée à partir de 25.000 euros pour doper ses ventes sur ce segment où il est actuellement au plus bas, tandis que ses voitures hybrides se vendent très bien.
Le groupe allemand Volkswagen (Skoda, Seat, Porsche...) "travaille intensément pour combler l'écart qui pourrait se former avec la progression plus lente que prévu des ventes d'électriques, notamment en Allemagne", a souligné un porte-parole à l'AFP. "Chaque euro investi dans de potentielles pénalités serait très mal investi."
En difficulté, le N Grad1 européen a déjà affolé ses salariés en menaçant de fermer trois de ses usines allemandes.
Parallèlement, il casse les prix sur sa première génération de modèles électriques (ID.3 et 4) et compte sur de nombreux lancements électriques, comme la petite Skoda Elroq, mais aussi sur une nouvelle génération d'hybrides rechargeables.
Volkswagen demande à Bruxelles, à l'instar de Renault et d'autres constructeurs, de revoir ces objectifs d'émissions de CO2 dès 2025.
Mais le N Grad2 européen, Stellantis, s'y oppose. Le groupe, dont les ventes ont fortement ralenti en 2024, mise lui aussi sur une nouvelle offre pléthorique de véhicules, à fabriquer en version électrique ou hybride selon les besoins du marché.
"On se prépare depuis plusieurs années" à ces normes, "elles ne sont pas apparues du jour au lendemain", a souligné jeudi le directeur financier de Stellantis, Doug Ostermann. "On est prêts à se battre, prendre notre part de marché dans cette transition", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse.
afp/al