"Le nouveau souffle de l'alliance nécessite une nouvelle gouvernance, le nouveau souffle pour Renault nécessite un nouveau patron", a déclaré le président du groupe, Jean-Dominique Senard, lors d'une conférence de presse.

Ce "nouveau souffle" implique de renforcer l'autonomie, le décloisonnement et la "capacité de respiration" des équipes, a encore expliqué le président du groupe au losange, nommé en janvier après la démission de Carlos Ghosn arrêté au Japon pour des malversations financières qu'il dément.

Alors directeur général délégué, Thierry Bolloré, 56 ans, avait alors été promu directeur général de Renault pour maintenir, au côté de Jean-Dominique Senard, le fil rouge opérationnel qu'il incarnait depuis début 2018.

Mais après plusieurs jours de rumeurs sur son départ, et un coup d'éclat dans la presse où Thierry Bolloré a dénoncé un "coup de force stupéfiant", le conseil d'administration a voté vendredi matin son remplacement par un triumvirat intérimaire.

La directrice financière Clotilde Delbos a été nommée directrice générale par intérim, le temps de mener le processus de désignation d'un nouveau numéro deux. Le délai que prendra ce processus est "incertain", a précisé Jean-Dominique Senard.

Clotilde Delbos sera assistée dans ses nouvelles fonctions par José-Vicente de los Mozoz, directeur de la fabrication et de la logistique et autre pilier du comité exécutif, et par Olivier Murguet, directeur commercial de Renault. Tous deux sont nommés directeur généraux adjoints.

"IL FAUT SAVOIR CHANGER LES PERSONNES"

Lorsqu'il a succédé au président Carlos Ghosn, dont l'arrestation au Japon a ébranlé Renault et Nissan, Jean-Dominique Senard s'est vu fixer pour mission par le conseil d'administration - et notamment l'Etat français, principal actionnaire avec 15% du capital - de restaurer le dialogue avec le partenaire japonais et de renouveler la gouvernance du groupe au losange.

L'Etat estimait depuis plusieurs mois que ce renouvellement tardait trop. "Il faut parfois savoir changer les personnes qui sont là depuis longtemps", a dit mardi à Reuters une source au fait de la vision qu'a l'Etat du dossier.

Lors de sa conférence de presse, Jean-Dominique Senard a salué la "présence nécessaire et utile" de Thierry Bolloré "au moment de la crise de l'an dernier", ajoutant qu'il n'y avait rien de personnel dans la décision de le mettre à l'écart.

Le départ de Thierry Bolloré intervient trois jours après le changement de direction à la tête de Nissan, qui a désigné mardi Makoto Uchida pour remplacer Hiroto Saikawa au poste de directeur général du deuxième constructeur automobile japonais, un choix jugé inattendu mais judicieux pour relancer l'alliance avec Renault.

Jean-Dominique Senard a souligné qu'il n'y avait pas de lien entre les deux sujets. Mais les deux groupes ont désormais deux équipes opérationnelles renouvelées grâce auxquelles le président de Renault peut ouvrir un nouveau chapitre pour l'alliance, en commençant par une relance des projets industriels communs.

"Il y a beaucoup de sujets concrets déjà identifiés, d'abord sur le plan industriel: les batteries, l'électrique, la connectivité des véhicules, les achats, le véhicule autonome", a dit à Reuters une source proche de Renault.

Le prochain conseil d'administration du groupe, le 18 octobre, aura d'ailleurs lieu au Technocentre pour présenter aux administrateurs les dernières innovations de Renault. C'est là que s'était tenu deux semaines plus tôt le quatrième conseil opérationnel de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, consacré lui aussi en partie à l'innovation.

(Avec Jean-Stéphane Brosse, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume