(Actualisation: précisions des dirigeants sur les objectifs, commentaire d'analyste, réaction en Bourse)

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Renault a présenté jeudi son plan stratégique "Renaulution" devant réorienter la stratégie du constructeur automobile de la course au volume à la création de valeur tout en le préparant à s'imposer dans la chaîne de valeur des nouvelles mobilités.

Le plan stratégique établi par Luca de Meo, directeur général de Renault depuis juillet dernier, s'articule en trois phases distinctes. La première d'entre elles, "Résurrection", s'étendra jusqu'en 2023 et donnera la priorité au redressement de la rentabilité et à la génération de liquidités, grâce notamment au repositionnement du groupe vers les marchés à plus fortes marges comme l'Amérique latine, l'Inde ou la Corée.

Cette phase sera suivie par une autre, appelée "Rénovation", qui se poursuivra jusqu'en 2025 et servira à renouveler et enrichir la gamme des trois marques du groupe : Renault, Dacia-Lada et Alpine. D'ici à 2025, le constructeur prévoit de lancer 24 nouveaux modèles dont au moins dix véhicules électriques. Environ la moitié des nouveaux véhicules à commercialiser appartiendront aux segments C (voitures compactes) et D (berlines). Le rajeunissement du portefeuille de produits de Renault devrait signaler une hausse des prix de vente.

La phase "Révolution", qui démarrera en 2025, est destinée à faire basculer le modèle économique de Renault vers la technologie, l'énergie et la mobilité. Pour ce faire, le groupe au losange va créer une nouvelle entité commerciale, baptisée Mobilize, afin de développer de nouvelles sources de bénéfices provenant des services de données, de mobilité et d'énergie au profit des conducteurs. Mobilize doit générer plus de 20% des revenus de Renault d'ici à 2030.

Accélération des économies de coûts

L'exécution du plan "Renaulution" s'accompagnera de la mise en place d'une nouvelle organisation. "Les fonctions, avec l'ingénierie au premier plan, sont responsables de la compétitivité, des coûts et du délai de mise sur le marché" et "les marques pleinement responsables, gèrent leur rentabilité", a indiqué Renault dans un communiqué.

Dans les usines, le nombre de plateformes de production sera rapidement réduit de moitié, pour s'établir à trois, et la capacité industrielle de Renault diminuera à 3,1 millions de véhicules en 2025, contre 4 millions en 2019.

Le constructeur compte également conserver sa stricte discipline en matière de coûts et ambitionne d'économiser 3 milliards d'euros de frais fixes d'ici à 2025. A cet horizon, Renault ambitionne aussi de réduire de 2 points de pourcentage la part de son chiffre d'affaires consacrée aux investissements et aux dépenses de R&D, à 8%.

L'ensemble de ces efforts doivent notamment permettre à Renault d'abaisser de 30% son point mort d'ici à 2030. Avant cela, le groupe anticipe une marge opérationnelle supérieure à 3% au niveau du groupe d'ici à 2023 et d'au moins 5% d'ici à 2025.

Les dirigeants prévoient également que le flux de trésorerie opérationnelle des activités automobiles atteigne 3 milliards d'euros en données cumulées entre 2021 et 2023 et 6 milliards d'euros entre 2021 et 2025.

"Nous voulons être très réalistes. Nous savons que nous pouvons atteindre ces objectifs même dans les conditions les moins favorables", a indiqué Luca de Meo lors d'une conférence téléphonique avec des analystes. Il a ajouté que les objectifs de marge opérationnelle étaient "un minimum".

La directrice financière Clotilde Delbos a précisé que ces objectifs étaient fondés sur des prévisions de marché prudentes. Le groupe ne prévoit notamment pas de retour du marché automobile européen à ses niveaux de 2019 avant 2025. "Si le redressement est plus rapide, ce sera tout bénéfice pour nous", a-t-elle souligné. La directrice financière a également affirmé que l'amélioration du besoin en fonds de roulement couvrirait les coûts de restructuration prévus au cours des deux prochaines années.

Investisseurs et analystes sont peu enthousiastes

A la Bourse de Paris, l'action Renault est quasi inchangée en début d'après-midi, à 35,81 euros, preuve que les investisseurs soutiennent timidement le groupe dans sa révolution. La feuille de route dessinée par Luca de Meo n'est pas dénuée de risques et est aussi jugée décevante par la plupart des analystes.

Les prévisions de Renault intègrent "une série d'objectifs modestes", a commenté Jefferies dans une note de recherche envoyée à ses clients.

"Même si la stratégie exposée fait sens, elle comporte des risques d'exécution importants : par le passé, Renault a déjà essayé, en vain, de monter en gamme, et il ne sera pas aisé pour le groupe de réduire ses investissements dans un contexte de développement des véhicules électriques", estime pour sa part Oddo BHF.

Selon Invest Securities, les objectifs du plan confirment le potentiel de redressement des marges, "même s'il apparaît à ce stade inférieur à nos estimations". Citi abonde en soulignant que l'objectif d'une marge opérationnelle de plus de 3% au niveau du groupe en 2023 est inférieur aux prévisions des analystes, qui attendent un taux d'environ 4% à cet horizon.

La prudence affichée et assumée par Renault concernant ses objectifs à horizon 2025 laisse également les analystes de JPMorgan Cazenove sur leur faim : "les anticipations du groupe pour 2025 pourraient se matérialiser en 2022".

Pour Pierre-Yves Quéméner, chez Stifel, Luca de Meo a réussi son grand oral face aux investisseurs. "Les objectifs financiers peuvent apparaître conservateurs", néanmoins ce plan "dépoussière l'image de Renault et fait entrer le constructeur dans la nouvelle décennie", indique l'analyste, qui salue les objectifs fixés pour les trois marques du groupe et l'accélération sur les nouveaux services et technologies.

-Dimitri Delmond et François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: VLV

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January 14, 2021 07:46 ET (12:46 GMT)