Dès l'ouverture de la 26ème Conférence mondiale sur le climat (COP26), Boris Johnson avait indiqué les quatre priorités de cette édition, devant les dirigeants du monde présents : « charbon, voitures, cash et arbres ». Si l'absence des chefs d'État de plusieurs pays à cet évènement a été remarquée (Chine, Brésil et Russie), les engagements de ceux qui étaient présents ont été nombreux. Mais au-delà des engagements, c'est maintenant la question des actions concrètes à mettre en œuvre pour parvenir aux objectifs fixés qui se pose.

Un accord qui préserve l'objectif d'un réchauffement limité à 1,5 degrés

La COP26, qualifiée en amont de « moment historique », a cristallisé espoirs et critiques des sociétés civiles et acteurs publics partout sur la planète. Plus de 200 manifestations ont été organisées en marge du sommet et dans de nombreux pays pour exiger des dirigeants des mesures concrètes visant à limiter le changement climatique. Un message entendu par les chefs d'Etats et de gouvernements, même si plusieurs points (la sortie des énergies fossiles, l'accompagnement des pays vulnérables face au changement climatique…) sont jugés décevants par la société civile et les ONG, d'autres devant être précisés lors des prochaines COP.

La COP26 se solde ainsi par un accord signé par 197 pays, le « Pacte de Glasgow pour le climat »[1]. Une nécessité pour maintenir l'objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle, mais qui n'avait rien d'évident. Ce résultat a en effet exigé des prolongations et deux tentatives de consensus avant d'aboutir au compromis du samedi 13 novembre, après deux semaines d'intenses négociations. De fait, si tous les objectifs n'ont pu être tenus, le document final intègre des dispositions engageantes et contraignantes.

Les énergies fossiles dans le collimateur de la COP26

Au titre des avancées de ce sommet 2021, plusieurs décisions méritent d'être citées, notamment celle d'abandonner progressivement l'utilisation du charbon pour limiter ses effets néfastes sur l'environnement. C'est une nouveauté par rapport à l'Accord de Paris de 2015, même si à la mention d'une « sortie » progressive du charbon, d'abord envisagée, a été préférée - à la demande de l'Inde - le terme moins exigeant de « réduction »[2], au grand dam d'Alok Sharma, le président britannique de la COP26 qui a publiquement exprimé sa déception. Plus largement, le texte appelle à la fin des subventions aux énergies fossiles. Une trentaine d'Etats, dont la France[3], ont même annoncé la fin des financements publics dans les projets de combustibles fossiles à l'international dès la fin 2022, afin de réattribuer ces budgets vers les énergies renouvelables.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre

Si les énergies fossiles sont mentionnées, c'est que l'immense majorité des délégations présentes ont reconnu la nécessité d'agir vite face au dérèglement climatique, mise en avant par les derniers rapports du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) comme du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Tous les États signataires s'engagent ainsi à réduire de 45 % d'ici à 2030 (par rapport à 2010) leurs émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone dans les vingt années qui suivront. Pour y parvenir, les États doivent présenter leur contribution déterminée au niveau national au titre de l'Accord de Paris, à savoir les plans climatiques détaillant les actions concrètes mises en œuvre par chacun des États pour suivre la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre qu'il se sont fixés.

Mais le CO2 n'est pas le seul responsable du réchauffement de la planète. Le méthane y participe également et se trouve, pour la première fois, mentionné dans l'accord : plus d'une centaine de pays acceptent de réduire leurs émissions de ce gaz d'au moins 30 % d'ici à 2030 en agissant principalement sur les activités agricoles, l'élevage, les déchets, ou encore les combustibles fossiles. Pour tenir ce calendrier très serré, la seule solution est de réviser à la hausse dès la fin 2022 les contributions nationales volontaires, très timides à ce stade. Une avancée par rapport à l'Accord de Paris qui ne prévoyait pas de révision de ces objectifs avant 2025. Là aussi, un bémol vient toutefois atténuer la portée du texte : certains pays non désignés par l'accord pourront bénéficier d'aménagements pour « circonstances nationales particulières ». Une notion floue qui laisse la porte ouverte à des particularités nationales et à des exceptions.

La lutte contre le réchauffement climatique suppose également le développement de moyens financiers ou de dispositifs permettant d'internaliser les coûts des dommages infligés à la planète et aux populations. C'est l'objectif du marché carbone[4] prévu par l'article 6 de l'accord de Paris, dont la COP26 devait détailler le fonctionnement. Mission réussie sur ce plan, avec un texte qui distingue deux marchés pour les crédits carbone : l'un destiné aux entreprises et aux États, l'autre dévolu aux échanges bilatéraux entre pays.

Ces crédits permettent aux entreprises et aux États de financer des projets de réduction d'émissions de CO2. Par ailleurs l'accord trouvé restreint le « double comptage » : si un pays vend un crédit carbone à un autre pays ou à une entreprise, un seul des deux pourra désormais le décompter de ses objectifs d'émissions. L'Inde, la Chine et le Brésil ont toutefois obtenu de pouvoir transférer les crédits générés via le protocole de Kyoto, soit 300 millions de crédits de faible qualité environnementale (sur un total de 4 milliards), et arriver ainsi sur le nouveau marché avec une réserve de crédits carbone importante.

La Chine et les Etats-Unis presque sur la même longueur d'onde

Une des bonnes surprises de la COP26 a été l'accord surprise sino-américain[5], les deux plus gros pollueurs de la planète s'engageant à travailler ensemble pour renforcer l'action climatique. S'il s'agit à ce stade d'une déclaration d'intention, une telle profession de foi commune entre la Chine et les Etats-Unis, deux puissances par ailleurs en rivalité tendue sur de nombreux dossiers, agit comme un témoignage de la prise de conscience des deux pays et de leurs sociétés face aux défis du changement climatique. Une telle annonce nourrit en tout cas des espoirs que des tensions géopolitiques même majeures n'empêcheraient pas le progrès face au changement climatique.

Le soutien aux pays en développement à la peine

Pourtant, plusieurs points de l'accord semblent en-deçà des espoirs exprimés en amont du sommet. C'est le cas notamment du financement des pays en voie de développement, lesquels réclament depuis de nombreuses années une aide plus importante de la part des pays développés, présentés comme les pollueurs historiques les plus responsables de la situation, pour les aider à financer leur transition énergétique. Ces derniers s'étaient engagés en 2009 à mobiliser 100 milliards de dollars par an en faveur des pays du Sud, un objectif qui n'a pas encore été atteint. Le texte adopté n'apporte pas d'innovation majeure sur le sujet en-dehors d'un engagement des Nations Unies à établir un bilan annuel des progrès accomplis par les pays développés sur ce front. Il impose en outre l'organisation de réunions internationales en 2022, 2024 et 2026 pour s'assurer de ces financements.

La question du financement des « pertes et dommages »[6] consécutifs au réchauffement climatique, portée par le groupe de négociation « G77 et Chine », qui représente 134 pays, n'a quant à elle pas pu recevoir l'aval de tous les participants, les Etats-Unis et l'Union européenne s'opposant à une telle compensation financière.

Le pacte de Glasgow[7] a toutefois apporté des éléments positifs sur ce dossier également. Il préconise ainsi que les pays développés doublent, d'ici à 2025 par rapport à 2019, l'aide spécifiquement consacrée à l'adaptation aux effets du changement climatique, une demande récurrente des pays en développement. Un soutien financier à hauteur de 8,5 milliards de dollars a également été garanti à l'Afrique du Sud, un pays dont la production électrique dépend aujourd'hui à 80 % du charbon. Plus d'une centaine d'Etats, représentant 85 % des forêts mondiales, se sont également engagés à mettre fin à la déforestation d'ici à 2030.[8]

Des progrès à poursuivre

Malgré une frilosité sur certains sujets, le « Pacte de Glasgow pour le climat » signe ainsi des avancées réelles pour l'environnement. Cet événement a également révélé des coalitions sectorielles qui, si elles ne font pas consensus au niveau mondial, réunissent suffisamment d'acteurs pour peser positivement.

Les mesures réellement prises par les Etats seront évaluées dans un futur proche et à intervalles réguliers grâce à l'envoi de leur contribution déterminée au niveau national, et il leur faudra rendre des comptes face à l'opinion publique internationale et auprès du secrétariat de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques si les engagements ne sont pas tenus. Les entreprises, collectivités locales et de nombreux acteurs sociaux ont d'ailleurs rapidement réagi en affirmant qu'ils prendraient une part plus grande encore dans l'action contre le changement climatique pour compenser ces déceptions. Il reste néanmoins aux COP27 et COP28, organisées respectivement en Egypte et aux Emirats Arabes Unis en 2022 et 2023, de poursuivre ce travail, l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés n'étant aujourd'hui pas garanti.

[1]https://unfccc.int/fr/news/la-cop-26-parvient-a-un-consensus-sur-les-actions-cles-pour-faire-face-aux-changements-climatiques

[2]https://www.theguardian.com/environment/2021/nov/14/boris-johnson-plays-down-weakening-of-cop26-coal-ambitions

[3]https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop26/cop26-la-france-rejoint-finalement-l-accord-mettant-fin-aux-financements-a-l-etranger-de-projets-d-exploitation-d-energies-fossiles-d-ici-fin-2022_4842329.html

[4]https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-marches-du-carbone-remis-sous-le-feu-des-projecteurs-par-la-cop26-1364636

[5]https://www.lefigaro.fr/sciences/cop26-la-chine-annonce-un-accord-avec-washington-pour-renforcer-l-action-climatique-20211110

[6] Evalués entre 290 milliards et 580 milliards de dollars par an jusqu'en 2030, ces pertes et dommages correspondent selon la définition de l'Accord de Paris « aux dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique, qui ne peuvent être évités ni par des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni par l'adaptation », voir l'article « A la COP26, négociations tendues sur la question du financement des dégâts du changement climatique », Le Monde, 9 novembre 2021.

[7]https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma2021_L16_adv.pdf

[8]https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/02/cop26-un-accord-pour-enrayer-la-deforestation-d-ici-a-2030_6100605_3244.html

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