Cette reprise des travaux fait suite à un arrêt, promulgué par la Cour constitutionnelle de Serbie en juillet dernier, annulant la décision de suspension de permis d'extraction prise par le gouvernement en 2022. Les projets de Rio Tinto sont encore soumis à l'obtention des permis définitifs, bien qu'ils soient soutenus par le gouvernement serbe du président Aleksandar Vučić. Ce dernier envisage ce projet minier comme une opportunité stratégique pour améliorer son image auprès de l'UE, actuellement ternie par le refus de reconnaître l'indépendance du Kosovo qui est une condition d’adhésion à l'Union. 

Dans ce contexte, le président serbe espère que le potentiel retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis pourrait jouer en sa faveur. Un récent appel téléphonique entre les deux dirigeants, auquel Elon Musk, le PDG de Tesla, a également participé, semble indiquer un alignement d'intérêts qui pourrait influencer positivement l'avenir du projet minier. Rappelons que le lithium est un composant essentiel dans la transition énergétique, notamment pour la fabrication des batteries pour les véhicules électriques.

Dans le cadre de l’accord entre Rio Tinto et le gouvernement serbe, le lithium contribuera à l'approvisionnement de l'industrie automobile européenne, notamment en Allemagne. Le chancelier allemand Scholz, des dirigeants de Mercedes Benz AG et de Stellantis NV ainsi que des hauts fonctionnaires de l'UE se sont rendus à Belgrade en juillet pour approuver les projets en signant l'accord-cadre sur l'approvisionnement futur en lithium

Le projet, qui ne devrait pas voir le jour avant 2027, permettrait à terme de créer 20 000 emplois et d'injecter 6 milliards d'euros dans l'économie selon les chiffres avancés par Ursula Von Der Leyen, présidente de la commission européenne. Rio Tinto a déclaré que le projet respectait les normes les plus strictes en matière de protection de l'environnement après une étude qui a duré 6 ans et demi. La phase de construction créera 3 500 emplois, et il en restera 1 300. Une fois opérationnelle, la mine pourrait générer un revenu annuel de plus d'un milliard d'euros, selon la société.

Des inquiétudes pour les populations locales

Le projet a suscité de vives tensions surtout parmi les populations locales et les militants écologistes. Il faut dire que la Serbie a connu un certain nombre d'épisodes environnementaux liés à l’extraction des ressources. Déjà la population s’était révoltée en février dernier contre le géant minier chinois Zijin Mining Group qui détient des mines de cuivre et d’or dans le pays. Après avoir racheté en 2018 le conglomérat serbe de cuivre RTB Bor, la Chine a investi des milliards d'euros dans des projets d'infrastructure et d'énergie, dans l'objectif d'étendre son empreinte économique dans cette partie de l'Europe. Sauf qu'au-delà de l’économie, son empreinte écologique a rendu la vie intenable pour les populations vivant proche de ses sites miniers.

Source : Serbia pollution, Reuters

Les craintes autour du projet de Rio Tinto sont les mêmes. Surtout que la société australo-britannique avait déjà été contrainte de suspendre ses activités dans le pays en 2022 afin de désamorcer les protestations avant les élections. Maintenant que le pouvoir est en place, fort de ses deux victoires consécutives, ce dernier a rétabli les permis de Rio Tinto. 

“L’UE ordonne, Vučić exécute, Rio Tinto profite” pouvait-on voir sur les pancartes des manifestants qui ont bloqué des ponts et des routes, affirmant que l'UE traitait la Serbie comme une colonie. Savo Manojlovic, le chef du groupe militant Kreni-Promeni, dénonce tout l’enjeu moral qui se cache derrière la transition énergétique : rendre l’Europe plus verte tout en polluant “l’arrière cour balkanique”. 

Protest against lithium mining in Belgrade, August 2024, Wikimedia Commons photo by Emilija Knezevic

Des intrications politiques 

La situation tendue, motivée par une hypothétique adhésion à l’UE à l’horizon 2030, n’en est pas moins l’occasion pour la Russie d’y mettre son grain de sel. Elle est accusée de mener une campagne de désinformation par l'ambassadeur des États-Unis en Serbie, Christopher Hill, ce que le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dément.

La Serbie entretient des liens historiques étroits avec la Russie et dépend significativement des importations de gaz et de pétrole, bénéficiant de tarifs préférentiels proposés par Gazprom. Dès lors, le pays est coincé entre d’une part, un rapprochement de l’Europe occidentale, et d’autre part la ses relations historiques avec la Russie mais aussi les investissements importants apportés par la Chine. 

La multiplication des projets miniers en Europe

Selon l'US Geological Survey, la Serbie abriterait 1,2 million de tonnes de gisements de lithium, les plus importants d'Europe après ceux de l'Allemagne et de la République tchèque. Afin de faire face à la demande croissante de métaux pour la transition énergétique mais aussi de répondre à des questions de dépendances d’approvisionnement en matières premières, de nombreux projets miniers voient le jour à travers le continent. 

En France, le projet de mine de lithium d'Imerys dans l'Allier a été classé comme projet d'intérêt national majeur, facilitant ainsi les démarches administratives. Ce projet vise à réduire la dépendance française aux importations de lithium, en particulier celles en provenance de Chine. 

En outre, l’unique minières française, Eramet, a repris la pleine propriété de sa mine de lithium en Argentine au chinois Tsingshan en octobre dernier pour un montant de 699 millions de dollars. Ce projet hautement stratégique laisse par ailleurs planer l’idée d’une sortie de la cote, l'État français contrôlant environ 31 % des droits de vote du groupe. Un projet d’extraction de lithium en Alsace est également à l’étude.

En Bosnie, la construction d'une mine de lithium est également en cours. La production de la mine de Lopare est prévue pour début 2027, avec une capacité de 10 000 tonnes de carbonate de lithium par an, suffisante pour fabriquer jusqu'à 200 000 batteries de voitures électriques. Rock Tech Lithium et Arcore, la société suisse chargée de l'extraction, ont convenu d'explorer un partenariat stratégique dans le but de garantir un approvisionnement à long terme en produits chimiques à base de lithium.