Londres (awp/afp) - Le géant des hydrocarbures Royal Dutch Shell s'est engagé à investir dans les nouvelles énergies et à réduire sa dépendance au pétrole pour parvenir à son objectif de neutralité carbone, mais les ONG écologistes ont fustigé un plan "grotesque".

Le groupe, comme l'ensemble du secteur, fait face à d'énormes pressions pour revoir dans l'urgence son modèle en raison de la crise climatique et dans un marché pétrolier plombé par la chute de la demande avec la pandémie.

Shell avait déjà dévoilé les grandes lignes de ses ambitions énergétiques, sans convaincre les ONG sur le sérieux de l'objectif.

Il dévoile jeudi dans un communiqué les détails de son plan avec un calendrier pour sa baisse prévue de son intensité carbone nette, de l'ordre de 6 à 8% d'ici 2023, 20% d'ici 2030, 45% d'ici 2035 et 100% d'ici 2050.

Pour tenir ses engagements, il va renforcer sa présence dans la technologie consistant à capturer le carbone, et va avoir recours à des mécanismes de compensation, qui sont contestés par les ONG et consistent à financer des projets verts pour équilibrer les émissions.

Côté dépenses, il dit vouloir investir à court terme de 5 à 6 milliards de dollars (4,5 à 5,3 milliards de francs suisses) dans les nouvelles énergies et le marketing pour aider ses clients à réduire leurs émissions.

Ces dépenses seront dirigées vers la production d'énergies renouvelables, la fabrication de biocarburants ou encore les points de charge pour véhicules électriques.

L'investissement pour les seules énergies renouvelables, dont l'hydrogène, a lui été confirmé entre 2 à 3 milliards de dollars soit autour de 10% du total des dépenses d'investissement du groupe toute activité confondue.

Pic pétrolier

Il n'abandonne pas, loin de là, la production de pétrole et de gaz, d'où il tire la grande majorité de ses revenus et qui doit permettre de financer sa transition énergétique.

Shell compte investir entre 8 et 9 milliards de dollars par an dans le gaz et les produits chimiques.

Surtout, il entend par ailleurs investir encore 8 milliards de dollars par an dans l'exploration et la production d'hydrocarbures.

Mais il va réduire sa dépendance aux énergies fossiles et prévoit une baisse de 1 à 2% de sa production de pétrole chaque année, ce qui doit continuer à lui permettre de dégager de la trésorerie au cours des années 2030.

Shell précise que le pic de sa production de pétrole a été atteint en 2019, soit avant que la pandémie ne vienne porter un coup très dur au marché pétrolier.

Le directeur général Ben van Beurden a reconnu toutefois lors d'une conférence de presse en ligne que la production de gaz allait augmenter.

Au total, "il est probablement juste de dire que la production de gaz et pétrole va rester stable", a-t-il reconnu.

Le groupe ajoute que ses émissions carbone ont, elles, atteint leur plus haut en 2018 et vont désormais donc diminuer sensiblement.

Les annonces du jour n'ont pas convaincu analystes et ONG.

"Sans engagement sur une réduction des émissions en valeur absolue grâce à des vraies coupes dans la production de pétrole, cette nouvelle stratégie ne peut pas marcher ni être prise au sérieux", tranche Mel Evans, de l'ONG Greenpeace.

Elle fustige notamment le recours à la compensation carbone qui consiste à "planter des arbres", et le fait que Shell fasse reposer une partie de ses efforts sur le comportement de ses clients.

De son côté, Russ Mould, analyste chez AJ Bell, note que "certains vont être surpris qu'il (le groupe, ndlr) ne soit pas plus incisif dans son basculement vers l'énergie renouvelable".

Il note en particulier que les investissements en gaz et pétrole restent bien supérieures à ceux dans les énergies "propres".

Pour Shell, le but est au total de réorienter progressivement les dépenses vers les énergies vertes et de devenir moins dépendants des prix du pétrole et du gaz, sans faire peur aux actionnaires.

Le groupe avait déjà choyés ces derniers lors de la présentation de ses résultats pour 2020 la semaine dernière, avec une hausse de son dividende au premier trimestre de 2021.

Shell, qui a subi une perte massive de 21,7 milliards de dollars en 2020, a mis en place pendant la pandémie une profonde restructuration et passé des dépréciations d'actifs colossales dans ses comptes.

afp/fr