A la Bourse de Paris, l'indice CAC40 aurait pu ouvrir non loin de l'équilibre ce matin, en s'appuyant sur les bons chiffres de Legrand ou la bonne tenue des valeurs bancaires. Mais la chute de 3,3% de Sanofi a compliqué la donne. Le laboratoire est le 5e dossier le plus influent de l'indice parisien. En Belgique, ce sont UCB et ArgenX qui ont tiré le Bel20 vers le bas. Côté Suisse, le façonnier Lonza, les deux géants de la pharma Novartis et Roche ainsi que le spécialiste de l'ophtalmologie Alcon perdaient du terrain.  On peut ajouter les baisses respectives de 2% et 4% d'AstraZeneca et GSK à Londres, ou les glissades de Merck KGaA et Sartorius AG à Francfort.

Toutes ces baisses ont une même cause : l'arrivée de Vinay Prasad à la place de Peter Marks à la tête du "Center for Biologics" de la FDA, l'agence de santé américaine. Marks avait démissionné fin mars en fustigeant le comportement du nouvel homme fort de la santé aux Etats-Unis, le Secrétaire US à la santé Robert F. Kennedy Jr. Le 6 mai, la FDA a créé la surprise en nommant Vinay Prasad à la tête du Centre pour l’évaluation et la recherche sur les produits biologiques (CBER). Médecin oncologue, professeur à l’université de Californie à San Francisco, Prasad est surtout connu pour son franc-parler et ses critiques virulentes à l’encontre de la politique sanitaire américaine, notamment pendant la pandémie. Cette arrivée marque un virage inattendu pour l’agence, encore secouée par la gestion contestée des vaccins contre le Covid-19. A ce poste stratégique, il aura la charge de superviser des produits comme les vaccins, mais aussi les thérapies géniques.

Attention à ne pas caricaturer Prasad

Pour autant, Prasad n'est pas considéré comme réactionnaire dans le milieu médical. Il passe plutôt pour être prudent et tatillon sur les procédures. Il s'oppose ainsi ouvertement aux mécanismes accélérés d'approbation de certaines thérapies, qui ont fait florès ces dernières années au bénéfice de sociétés de biotechnologies qui ont fait de ces autorisations dérogatoires leurs chevaux de bataille. L'oncologue a aussi fait preuve de virulence contre la vaccination covid des enfants, parce que les données disponibles à l'époque n'étaient pas suffisantes.

Pour l'industrie pharmaceutique dans son ensemble, cette nomination sonne comme les prémices d'un environnement réglementaire plus contraint. En tout cas plus exigeant, donc plus long. Cela explique la baisse des entreprises du secteur. Baisse importante mais modérée pour les grands labos et baisse plus marquée pour les jeunes pousses aux dents longues pour qui retard rime avec recherche de financements additionnels. On a ainsi vu Moderna chuter de 12% hier, pendant que Vaxcyte plongeait de 14% et que plusieurs petits acteurs des thérapies géniques s'effondraient de 20%, à l'image de Rocket Pharma ou Arcellx.

La politique de la FDA dans les mois à venir est à surveiller de près. Le bon sens laisse penser, à ce stade, que les laboratoires intégrés, plus diversifiés, habitués aux développements longs et solides financièrement, seront moins affectés que les acteurs moins matures.

La fiche de Vinay Prasad sur le site de l'Université de Californie, ainsi que le lien vers ses travaux académiques