(répétition sans changement de la dépêche transmise dans la nuit)

* Tournée du président français au Rwanda et en Afrique du Sud

* Vers une "normalisation" des relations après l'ère post-génocide

* Les Rwandais attendent des excuses

KIGALI/PARIS, 27 mai (Reuters) - Emmanuel Macron renoue cette fin de semaine avec les tournées lointaines par un voyage qui l'emmènera au Rwanda, où il espère normaliser des relations meurtries par le génocide de 1994, et en Afrique du Sud, où se prépare l'après-COVID-19.

Jeudi au mémorial Gisozi de Kigali où sont ensevelis 250.000 corps, le président français devra trouver les mots qui apaisent après 25 ans de relations tendues avec Paris quant au rôle de la France lors du génocide des Tutsis.

"Pour nous qui représentons les survivants et qui poursuivons les suspects de génocide en France, nous attendons une chose, ce sont des excuses", a déclaré mercredi à Reuters Alain Gauthier, qui traque les auteurs du génocide réfugiés en Europe afin qu'ils soient jugés ou extradés.

L'épouse tutsie d'Alain Gauthier a perdu sa mère et d'autres proches lors du massacre de 800.000 Tutsis et Hutus modérés, selon un décompte de l'Onu, perpétré durant une centaine de jours après l'attentat contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.

Dans les rues de Kigali, les commentaires étaient plutôt positifs à l'approche de la visite présidentielle.

"Je souhaite que Macron relance les relations avec le Rwanda car j'entends toujours dire que les relations entre les deux pays ne sont pas bonnes à cause du rôle de la France dans le génocide", a déclaré à Reuters Henriette Uwase, une vendeuse de mangues de 28 ans.

"Je souhaite qu'il puisse demander pardon pour ce que la France a fait en 1994", a ajouté cette mère de deux enfants qui était âgée de deux ans au moment du massacre de son père et de ses deux frères à Kimisagara où vivait sa famille.

Vincent Mugiraneza, fonctionnaire, se dit "heureux de la visite de Macron. Et c’est grâce au fait que les deux chefs d’État ont montré leur volonté de rouvrir les liens. En tant que Rwandais, nous voulons qu'il s’excuse auprès des Rwandais".

Jean de Dieu Nsengiyumba, taxi à moto, souhaite que le Rwanda et la France puissent "avoir des relations amicales sans l'angoisse honteuse liée aux allégations contre la France pour son rôle dans le génocide".

A la présidence française, on annonce cette visite comme l'occasion d'inscrire "l'étape finale de normalisation des relations entre la France et le Rwanda".

Emmanuel Macron devrait concrétiser ce réchauffement en proposant le retour d'un ambassadeur de France et en inaugurant un centre culturel francophone.

La dernière visite d'un président français au Rwanda fut celle de Nicolas Sarkozy en 2010.

Rompues en 2006, les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rétablies trois ans plus tard. Un chargé d'affaires est actuellement à la tête de l'ambassade de France à Kigali, où le poste d'ambassadeur est vacant depuis 2015.

"MÉMOIRE PACIFIÉE"

Présent à Paris la semaine dernière, le président rwandais Paul Kagamé a qualifié de "grand pas en avant" le récent rapport d'historiens français de la mission Duclert qui a reconnu les "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans le génocide mais pas sa "complicité".

Interrogé mercredi lors du compte rendu du conseil des ministres sur d'éventuelles "excuses" présidentielles à Kigali, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, n'a pas répondu sur ce point précis mais il a estimé que le rapport de la mission Duclert sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, dont les conclusions ont été partagées avec les autorités de Kigali, était "le signe d'une mémoire pacifiée, d'une relation renouée".

Vendredi et samedi, Emmanuel Macron sera en Afrique du Sud, pays membre du G20 régulièrement convié au G7, première économie d'Afrique australe de 60 millions d'habitants durement touchée par l'épidémie de COVID-19.

Le chef de l'Etat sera accompagné d'un aréopage de grandes entreprises françaises dont le groupe pharmaceutique Sanofi , le groupe de transport maritime CMA-CGM qui oeuvre dans le port de Durban, Suez-Engie, des petites et moyennes entreprises et des start-up.

Economie post-pandémie, réchauffement climatique, biodiversité mais aussi crises régionales comme le Mozambique figureront, selon l'Elysée, seront au menu des entretiens entre le président français et son homologie sud-africain Cyril Ramaphosa.

A son retour de voyage, Emmanuel Macron, qui a contracté le COVID-19 en décembre, ne sera pas soumis à une dizaine de jours d'isolement, à la différence des membres de la délégation qui l'accompagneront. (Clement Uwiringiyimana à Kigali et Elizabeth Pineau à Paris)