Saputo fait partie de ces entreprises historiques qui ont réussi à rester sous le giron familial. La majorité du capital est détenue par Lino Saputo, fils du fondateur et l'une des personnes les plus riches du pays, à hauteur de 37,7% via sa société de portefeuille Jolina Capital. Son frère, Francesco Saputo, détient également une part de 10,1% via sa société Placements Italcan. La famille Saputo maintient également sa présence à la direction de l'entreprise, avec Lino Saputo Jr, fils du patriarche, à la tête du groupe. 

Un géant de l’industrie laitière (source : Saputo)

Avec 67 usines en fonctionnement, plus de 18 600 employés à travers le monde et une capacité de transformation de plus de 11 milliards de litres de lait par an, Saputo est présent sur toute la chaîne de valeur des produits laitiers. Ses activités comprennent la fabrication de fromage, de beurre, de crème en passant par des substituts au fromage et les boissons lactées. La société réalise environ 50% de son chiffre d'affaires grâce aux ventes au détail, notamment auprès des chaînes de supermarchés, des grandes surfaces, des détaillants indépendants et des boutiques spécialisées dans les fromages. Les sociétés proposant des services alimentaires telles que les hôtels, les restaurants et les cantines représentent 30% des ventes. Enfin, 20% des revenus proviennent des industries qui utilisent les produits de Saputo comme ingrédients dans leurs propres processus de transformation.

Saputo est présent sur toute la chaîne de valeur du lait (source : Saputo)

Saputo dispose d’un vaste portefeuille de marques bénéficiant d'une forte notoriété dans les régions où la société est présente. Dans ce cadre, les marques sont assez peu connues en Europe, hormis au Royaume-Uni où Saputo réalise 6% de son chiffre d’affaires. Les Etats-Unis compte pour 43% des revenus mais seulement 25% de l’EBITDA, tandis que l’ordre de grandeur est plutôt inversé au Canada, bien plus rentable - car moins concurrentiel - avec seulement 28% des revenus mais 41% de l’EBITDA. Enfin, l’Australie et l’Argentine - zone internationale - complètent le tableau avec 23% des ventes. 

Portefeuille de marques de Saputo (source : Saputo)

Cependant, contrairement à ses concurrents européens tels que Nestlé et Danone, Saputo est resté concentré sur son cœur de métier, sans diversification majeure. Par conséquent, les marges de l'entreprise sont relativement faibles et ont connu une tendance à la baisse au cours des trois dernières années. Saputo n'est pas positionné sur des marchés plus dynamiques tels que l'alimentation animale, qui connaît une croissance forte chez des entreprises comme General Mills et Nestlé, ni sur le segment en plein essor des laits végétaux, où Danone excelle.

Saputo demeure une entreprise en croissance. Ses revenus ont plus que doublé depuis 2013, largement soutenus par une stratégie de croissance externe agressive. La société a procédé à 36 acquisitions depuis 1997 pour un total de 9,3 Mds dollars canadiens. La dernière en date remonte à 2019, époque favorable pour ce genre d’opérations avec des taux bien plus bas qu’aujourd’hui. L’endettement ressort légèrement supérieur à 4 Mds$ CAD, soit un peu plus de 3,5 fois l’EBITDA. Dans ce contexte, les free cash flow sont utilisés pour rembourser cette dette et rémunérer les actionnaires sous forme de dividendes, en progression constante depuis plus de 20 ans. 

Saputo est une entreprise familiale d'envergure qui s'est imposée sur un marché concurrentiel grâce à une croissance des revenus très forte. Cependant, les perspectives de croissance à court terme ne sont pas quantifiées de manière précise. À l'horizon 2025, Saputo vise un EBITDA de 2,13 milliards de dollars canadiens, la poursuite de la croissance - dont une part importante sera apportée par des acquisitions - ainsi qu'une réduction de l'endettement à 2,25 fois l'EBITDA. Étant donné les marges actuelles, il semble peu probable que la progression des dividendes puisse être possible sans compromettre la solidité du bilan de l'entreprise. Le groupe canadien a tout récemment publié les résultats annuels de son exercice décalé. Ils font état d'un chiffre d'affaires en hausse de 12,9% et d'un bénéfice net en forte hausse, à 159 M$. Néanmoins, les perspectives pour l'exercice 2024 ont été jugé décevantes et le titre a perdu une dizaine de pourcent le lendemain de l'annonce.