Ajoute sanctions Australie

PARIS (awp/afp) - Les pays occidentaux frappent au portefeuille : ils ont gelé les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et sanctionné le secteur financier de la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine.

Quelles sont les mesures décidées ?

L'Union européenne et Londres ont annoncé le gel des avoirs du président russe Vladimir Poutine et de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, que Washington s'apprête aussi à sanctionner.

Tous les membres de la Douma, la chambre basse du Parlement, figurent désormais sur liste noire de l'UE, ainsi que 26 personnalités du monde des affaires.

Les banques de l'UE auront interdiction d'accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100.000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l'accès aux financements européens.

Le Canada va sanctionner "58 personnes et entités" russes dont des "membres de l'élite russe", des "grandes banques russes" et des "membres du Conseil de sécurité russe", ainsi que MM. Poutine et Lavrov.

Tokyo a annoncé le "gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes", et le gel des actifs des institutions financières russes.

L'Australie cible notamment des oligarques et tous les membres de la Douma, et se prépare à sanctionner elle aussi MM. Poutine et Lavrov.

Londres et Washington notamment ont ciblé un certain nombre de banques russes, dont VTB Bank. Cette dernière a d'ailleurs annoncé que l'utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l'étranger était désormais "impossible".

"Exclure une banque du système financier américain, cela revient à l'empêcher de réaliser des paiements en dollars", explique à l'AFP Stephen Le Vesconte, avocat du cabinet Linklaters.

Peu de chances qu'il en soit de même avec l'euro "puisqu'il est question d'exemptions des paiements en rapport avec l'énergie", nuance-t-il.

Vont-elles assez loin ?

Non, de l'avis du président ukrainien Volodymyr Zelensky. "La pression sur la Russie doit augmenter", a-t-il tweeté.

Les pays occidentaux se sont pour l'instant gardés de couper la Russie du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier.

Hors Swift, les sanctions évoquées ne sont "ni faibles, ni lourdes", résume Stephen Le Vesconte. Elles sont le fruit "d'un compromis pour faire mal sans se tirer une balle dans le pied".

La Russie dispose par ailleurs de réserves de change qui atteignaient quelque 640 milliards de dollars au 18 février (soit environ le double du montant constaté en 2014, selon une note de Natixis) et d'un fonds souverain évalué à 175 milliards. De quoi potentiellement aider à financer des entreprises stratégiques en grande partie publiques.

Quelles conséquences pour les banques occidentales sur place ?

Plusieurs banques européennes disposent de filiales en Russie. Les plus exposées sont la française Société Générale, l'italienne Unicredit et l'autrichienne Raiffeisen Bank International.

Elles "ne subissent pas pour l'instant de conséquences juridiques", relève cependant M. Le Vesconte, mais "vont opérer dans un pays où la devise va chuter en valeur, où l'inflation risque d'augmenter drastiquement".

Elles devront également faire le ménage parmi leurs clients si les avoirs de certains d'entre eux sont gelés.

Dans des termes assez proches transmis par leurs porte-paroles respectifs à l'AFP, Société Générale et Unicredit déclarent suivre de près la situation en Russie et soulignent, chiffres à l'appui, que leurs activités ne représentent qu'un faible pourcentage à l'échelle du groupe.

Raiffeisen assure que ses banques en Russie et en Ukraine "sont bien capitalisées et s'autofinancent".

Est-il possible de contourner les sanctions ?

En pratique, oui, répond à l'AFP Julien Martinet, avocat chez Swiftlitigation.

Prenant l'exemple de l'Iran, sous le coup de sanctions encore plus dures, il constate que "des systèmes sont mis en place, via un tiers-payeur par exemple. Mais ce n'est ni officiel, ni acceptable par les grandes institutions bancaires sur le plan de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme".

Les sociétés risquent cependant gros à contourner les sanctions. BNP Paribas avait par exemple été condamnée à payer une amende colossale de 8,9 milliards de dollars pour avoir fait transiter de 2004 à 2012 par les Etats-Unis de l'argent au nom de clients soudanais, cubains et iraniens.

L'alternative au dollar est par ailleurs mise en avant par les producteurs de pétrole, dont Rosneft et Gazprom Neft, qui "ont déclaré que l'option de paiement en devises alternatives était incluse dans de nombreux contrats d'approvisionnement", explique John Plassard, analyste de Mirabaud.

Nicolas Fleuret, spécialiste de l'industrie financière au sein du cabinet Deloitte, imagine enfin l'utilisation de cryptomonnaies "comme un véhicule de paiement" alternatif, la Russie "en produisant de plus en plus".

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