À l'heure où plus de la moitié de la capacité du parc nucléaire est indisponible en France, la question de la sécurité d'approvisionnement en électricité est plus que jamais d'actualité. Face à cette situation sans précédent, qui s'explique par des fermetures de centrales planifiées pour cause de maintenance mais aussi par un phénomène inattendu de corrosion, le gouvernement a annoncé le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle pour l'hiver 2022-2023. Et plutôt qu'essayer de produire plus d'énergie, pourquoi ne pas tenter de consommer moins, avec les technologies d'effacement énergétique ? Explications par Guillaume Cayeux, Directeur développement et prospective chez Schneider Electric.

En France, mais aussi en Europe, les cinq prochains hivers vont être rudes, très rudes, dans un contexte énergétique plus tendu que jamais. « Il est temps aujourd'hui de trouver de nouvelles solutions pour réduire les consommations électriques, confie Guillaume Cayeux. Nous pouvons par exemple agir sur les immeubles tertiaires, qui concentrent, avec les bâtiments résidentiels, 44 % de la consommation énergétique en France. Nous sommes dans un contexte d'urgence, qui impose de garantir un équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, sinon nous risquons de subir des coupures du réseau au cours des prochains hivers, comme le redoutent EDF, ENGIE et Total Energies dans leur récentappel à la sobriété énergétique d'urgence. » Voici pourquoi les bâtiments tertiaires devraient donc intégrer des solutions de flexibilité et d'effacement d'énergie.

Flexibilité, effacement, qu'est-ce que c'est ?

La flexibilité permet de diminuer la consommation d'énergie d'un bâtiment tertiaire, en allant activer ou mettre en veille, programmer les charges électriques et améliorer l'efficacité énergétique, à l'aide d'un système de pilotage de type Gestion Technique du Bâtiment GTB. « Cette démarche de flexibilité dans le tertiaire s'est matérialisée à travers deux récents décrets, explique Guillaume Cayeux. Le premier est le Décret tertiaire, qui a fixé des objectifs très ambitieux de résultats, en matière de réduction d'énergie, jusqu'à moins 60 % d'ici 2050. Le second est le décret BACS, qui constitue une obligation de moyens, en imposant l'installation d'une GTB à haut rendement. » Grâce à cette GTB, il est alors possible de mettre cette flexibilité au service du réseau électrique, pour qu'il l'exploite quand il en a besoin, dans le cas d'un déséquilibre entre la production et la consommation par exemple. C'est ce qu'on appelle « effacement ». « L'effacement existe déjà depuis des années, via des contrats bilatéraux entre les industries électro-intensives et le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, et porte déjà sur près de 2 gigawatts. Mais cela n'existait pas pour l'instant avec l'immobilier tertiaire. Il conviendrait que des « agrégateurs de capacités » chargés d'administrer les effacements sur le réseau, s'intéressent au marché diffus du tertiaire, et qu'un modèle de rémunération émerge, comme dans l'industrie. » Un marché loin d'être négligeable, sachant que l'ADEME estime que le gisement énergétique obtenu avec simplement 30 minutes d'effacement par le secteur tertiaire serait de 1,5 à 2,5 GW, dont 0,8 GW rien que pour les bureaux.

Une première expérience le 4 avril 2022

Dans cette perspective, l'Etat, RTE et l'organisation professionnelle GIMELEC, qui représente la filière électro-numérique, avancent main dans la main, pour créer ce modèle. Un premier test a eu lieu au printemps dernier, à l'échelle nationale, quand le système électrique était tendu, du fait de températures inhabituellement basses. Avec l'ADEME, RTE avait déjà conçu Ecowatt. Cette « Météo de l'électricité » fonctionne sur le principe de quatre signaux, de vert à rouge, de consommation raisonnable à situation très tendue. « Le 4 avril 2022, RTE a lancé une première alerte orange Ecowatt, qui nécessite de réaliser des écogestes et des effacements pour éviter les coupures, rapporte Guillaume Cayeux. Nous avons été prévenus le samedi 2 avril et le 4, la mobilisation de particuliers, d'entreprises et de collectivité a permis d'économiser 800 MW à l'heure du pic de consommation, soit l'équivalent de 2 fois la consommation de la Ville de Montpellier et quasiment la puissance d'un réacteur nucléaire. »

Vers une stratégie d'effacement dans le tertiaire

Mais tout avait commencé avant, en mars 2022, quand RTE s'est tourné vers le GIMELEC face au risque de pénurie d'électricité à l'hiver prochain, en demandant de lancer une stratégie d'effacement dans le tertiaire, dont on parle depuis des années. « En réponse, nous avons rédigé une note sur un certain nombre de mesures à prendre sur l'effacement dans le tertiaire, indique Guillaume Cayeux. La première consiste à s'assurer du bon fonctionnement des GTB existantes en réalisant un audit, plus particulièrement auprès des plus gros immeubles équipés de GTB récentes, puisqu'elles seront plus facilement et plus rapidement activables. »

Un pilotage des GTB à chaque alerte Ecowatt

La seconde mesure concerne l'organisation à mettre en place, en cas de nouvelle alerte Ecowatt. Vert, tout va bien. Orange, le technicien de l'immeuble doit effacer certains usages du bâtiment, comme la recharge des véhicules électriques par exemple. Rouge, un délestage plus important encore est imposé pour éviter le blackout ! « Plutôt que de demander aux exploitants des bâtiments de réagir au coup par coup et de compter sur la bonne volonté de chacun, l'idée est de préprogrammer toutes les GTB avec les différents scénarios Ecowatt, en installant une passerelle entre le signal de RTE et le système de GTB. » Pour ce faire, RTE travaille actuellement pour concevoir une interface de programmation (API), planifiée pour être lancée en septembre 2022.

Le GIMELEC travaille depuis quelques années avec l'Institut français du bâtiment Ifpeb sur une autre innovation, dans l'objectif de déployer l'effacement dans le secteur immobilier tertiaire : la plateforme GoFlex. « Nous avons effectivement développé une méthodologie, qui permet d'étiqueter les bâtiments tertiaires avec un indicateur de flexibilité, résume Guillaume Cayeux. GoFlex est en cours de déploiement avec les pouvoirs publics, l'ADEME, la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies FNCCR et toujours RTE, afin rendre visibles les capacités de flexibilité de chaque immeuble auprès des opérateurs, des gestionnaires du réseau et des agrégateurs, qui géreront à l'avenir les effacements sur le réseau pour que tout se passe au mieux lors des hivers prochains. »

Le challenge « Flex » du Championnat de France des économies d'énergie cet hiver

Afin de stimuler la participation des bâtiments tertiaires à l'effacement Ecowatt et ainsi passer plus sereinement les prochains hivers, le Championnat de France des économies d'énergie lance cette année le concours de la flexibilité énergétique.

Cette ligue invite les bâtiments à challenger leur capacité de flexibilité énergétique, c'est-à-dire leur capacité à diminuer ponctuellement leur appel de puissance électrique, en réponse à un signal de demande d'effacement Ecowatt si le réseau électrique est en tension. Utile… et ludique !

Schneider Electric s'associe, comme chaque année au championnat, et soutient ce nouveau défi, dont les inscriptions démarrent le 1er octobre 2022.

Tags :effacement, Efficacité énergétique, flexibilité, GTB, système de pilotage

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Schneider Electric SE published this content on 10 October 2022 and is solely responsible for the information contained therein. Distributed by Public, unedited and unaltered, on 14 October 2022 12:52:05 UTC.