Lugano (awp) - L'approvisionnement en crédits et liquidités des petites et moyennes entreprises, fortement malmenées par la pandémie de coronavirus, fonctionne bien, a affirmé lundi le patron de la Banque nationale suisse (BNS) Thomas Jordan.

"La crise du Covid-19 a montré à quel point l'approvisionnement de l'économie en crédits est important", a souligné M. Jordan selon le texte de son discours prononcé au Lugano Banking Day.

Le président de la direction générale de l'institut d'émission a rappelé que "de nombreuses entreprises ont rencontré des problèmes de liquidités au printemps, du fait du ralentissement de l'économie".

Pour venir en aide aux PME, la Confédération a mis à leur disposition à partir d'avril des crédits d'urgence, entièrement ou partiellement garantis par les pouvoirs publics.

Selon les données actualisées fin août par le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), un cinquième des PME suisses, soit 136'112 entreprises, ont contracté des crédits Covid-19 pour assurer leurs liquidités. Au total, 16,8 milliards de francs suisses ont été versés et 42% des fonds disponibles ont été utilisés.

Les banques ont quant à elles "jusqu'ici bien résisté aux répercussions de la pandémie", a ajouté M. Jordan, insistant que ces turbulences ont "montré combien il est important pour les banques et les assurances de détenir suffisamment de fonds propres et de liquidités".

Le taux d'intérêt négatif, actuellement fixé à -0,75%, et la disposition de la BNS à intervenir "au besoin" sur le marché des changes permettent de contrer l'attrait des placements en francs suisses. L'institut d'émission helvétique veille ainsi "à ce que les conditions monétaires soient appropriées en Suisse".

La banque centrale helvétique a également rappelé être consciente "du défi que représente le taux d'intérêt négatif pour le secteur financier", cette mesure pesant sur les marges des banques.

Plus-value psychologique

Lors du colloque qui a suivi, le patron d'UBS Sergio Ermotti a renouvelé ses éloges à la réponse du monde politique à la crise, qu'il a qualifiée de "ciblée, rapide et pragmatique".

Concernant l'utilisation des crédits Covid, il évoque une "énorme valeur ajoutée, au-delà des liquidités, du point de vue psychologique", signalant que nombre d'entreprises ont demandé des crédits sans les utiliser.

La disponibilité de ces liquidités a largement contribué à apaiser les incertitudes et éviter que les marchés ne cèdent à la panique, a déclaré le Tessinois, qui cédera le timon du numéro un bancaire helvétique au Néerlandais Ralph Hamers d'ici une semaine.

Il a par ailleurs insisté sur le fait que le rôle des banques ne s'est pas limité à être le mécanisme de transmission d'aides étatiques, mais de mettre son propre risque et son propre capital au service des entreprises, rappelant qu'UBS a octroyé cinq fois plus de crédits que la Confédération au plus fort de la crise.

Le dirigeant a cependant prévenu: "il est clair que cette recette ne sera pas forcément appropriée dans le futur", en référence à l'arrivée de la deuxième vague de la crise, un défi qui sera selon lui "bien plus difficile à gérer".

Selon lui, les banques auront "la lourde tâche de distinguer les entreprises ayant des problèmes structurels de celles qui sont seulement confrontées à un problème passager de liquidités".

Technologie primordiale

M. Ermotti a souligné l'importance des investissements dans la technologie pour surmonter les conséquences de la crise, et l'effet catalyseur que la pandémie a eu sur la numérisation de l'ensemble de l'économie, et du secteur bancaire en particulier.

Selon lui, "si elle avait eu lieu il y a dix ou cinq ans, cette même crise aurait été ingérable du point de vue de la résilience non seulement du système financier, mais de la société dans son ensemble".

Revenant sur l'émergence de nouveaux acteurs dans la prestation de services financiers - en référence notamment aux géants technologiques américains - le banquier a salué une certaine homogénéité réglementaire "pour tous ceux qui exercent le même genre d'activité".

Reste que les investissements dans la technologie, nécessaires pour rester compétitif ne sont pas à la portée de tous les acteurs de la branche. M. Ermotti a souligné qu'UBS y consacrait chaque année 12% de son chiffre d'affaires, soit environ 3 milliards de francs suisses.

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