Zurich (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a nettement relevé jeudi ses prévisions d'inflation dans le contexte de flambée des prix du pétrole et de guerre en Ukraine. L'institut d'émission a par contre temporisé au niveau des taux d'intérêt, conservant inchangée sa politique monétaire expansionniste.

La banque centrale helvétique attend désormais une inflation de 2,1% cette année, contre seulement 1,0% au dernier pointage mi-décembre. Ce niveau dépasse de très peu l'objectif de stabilité des prix défini par la BNS - soit un indice des prix à la consommation (IPC) inférieur à 2%.

La projection pour 2023 a été relevée à 0,9%, contre 0,6% précédemment, et s'établit également à 0,9% pour 2024, a-t-elle indiqué dans un communiqué à l'issu de l'examen de la situation économique et monétaire.

Cette accélération attendue des coûts provient essentiellement "de la nette augmentation des prix des produits pétroliers et des biens concernés par des difficultés d'approvisionnement", a ajouté l'institution dirigée par Thomas Jordan. Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les sanctions internationales décrétées contre Moscou, les prix de l'or noir ont flambé. Le baril de Brent valait jeudi après-midi 121,27 dollars (-0,23%) et celui de WTI 114,52 dollars (-0,36%).

L'inflation devrait durer. "La situation concernant ces produits et biens devrait rester tendue pendant les prochains mois du fait de la guerre en Ukraine", a averti la BNS.

Et elle risque de peser sur la croissance économique, en freinant la consommation et en pesant sur les coûts de production, ainsi que dans une moindre mesure sur les exportations.

La prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) helvétique a ainsi été ramenée pour 2022 autour de 2,5%, contre environ 3% attendus jusqu'ici. "La croissance connaîtra un bref fléchissement avant de repartir à la hausse et le chômage devrait reculer encore quelque peu", a cependant pronostiqué la BNS.

Cette dernière a admis que ses estimations étaient entachées de grandes incertitudes, en raison des interrogations sur la résolution du conflit en Ukraine. "Les risques pour la croissance sont significatifs et orientés à la baisse", une escalade de la guerre risquant de peser encore davantage sur l'économie mondiale.

A cela s'ajoute le risque de voir s'aggraver les pénuries de matières premières, alors que des "effets de second tour" (une hausse des salaires poussant les prix et donc l'inflation) ne sont pas exclus et que la pandémie n'est pas encore terminée.

Les taux négatifs ne sont pas éternels

Malgré ces incertitudes, et alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a commencé à relever ses taux directeurs, la BNS a maintenu sa politique monétaire expansionniste. Elle a laissé à -0,75% son taux directeur et le taux d'intérêt négatif appliqué aux avoirs à vue.

Répétant ses précédentes déclarations, l'institut d'émission reste "disposé à intervenir sur le marché des changes afin d'atténuer des pressions à la hausse sur le franc", tout en tenant compte de la situation de l'ensemble des monnaies et non seulement par rapport à l'euro, la principale monnaie d'échanges commerciaux. La devise suisse "reste à un niveau élevé", a réitéré la BNS.

Formulation nouvelle, elle tient désormais également compte "de l'écart d'inflation avec le reste du monde" pour évaluer le niveau du franc.

"Chez nos principaux partenaires commerciaux, l'inflation se situait dernièrement à un niveau nettement plus élevé qu'en Suisse", a d'ailleurs indiqué M. Jordan. Cette situation a poussé l'institut d'émission à autoriser "dans une certaine mesure" une appréciation nominale de la devise helvétique.

La guerre en Ukraine a poussé brièvement le franc sous la parité avec l'euro début mars, avant de se relâcher quelque peu. Jeudi après-midi, le franc reprenait de la vigueur après s'être relâché suite aux annonces de la BNS. Vers 13h30, la paire de devises s'échangeait à 1,0224 EUR/CHF.

Une hausse des taux cette année semble peu probable, selon les économistes de VP Bank, mais la BNS "ne pourra pas maintenir éternellement les taux négatifs". Selon ces derniers, un resserrement de politique monétaire devrait intervenir en Suisse à partir de 2023.

al/fr